Des dizaines d’ex de Bombardier atterrissent chez Hydro-Québec
Depuis 2015, le PDG de la société d’État recrute des membres de sa haute direction chez son ex-employeur
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Avoir travaillé chez Bombardier est-il essentiel pour devenir haut dirigeant chez Hydro-Québec ? Cela améliore du moins grandement les chances d’y parvenir, révèle un examen mené par Le Journal.
Depuis son entrée en poste en 2015, le PDG d’Hydro-Québec, Éric Martel, est allé piger allègrement chez son ex-employeur pour garnir l’organigramme de sa haute direction.
L’ex-président de Bombardier Avions d’affaires a notamment recruté quatre nouveaux vice-présidents principaux ou présidents de filiales depuis cinq ans, sur les six que compte Hydro-Québec.
Des quatre recrues, trois proviennent de Bombardier :
- David Murray, président d’HQ Production,
- Marc Boucher, président d’HQ TransÉnergie,
- Éric Filion, président d’HQ Distribution.
Ce n’est pas tout : pas moins de 50 % des cadres recrutés aux postes de directeurs principaux travaillaient chez Bombardier juste avant de faire le saut chez Hydro-Québec, selon notre décompte.
« Ce qu’on observe, c’est que plus souvent qu’autrement, quand il y a des embauches, ces postes vont aller à des gens qui viennent de Bombardier. On assiste en quelque sorte à une “bombardisation” d’Hydro-Québec », note le président du Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec (SPIHQ), Nicolas Cloutier.
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Une concentration importante
Des technologies de l’information à la performance organisationnelle en passant par la production et la maintenance, la comptabilité, les partenariats, la gestion de contrat, l’approvisionnement et la distribution, ce sont toutes les divisions d’Hydro-Québec, à l’exception peut-être des affaires juridiques, qui ont engagé des cadres de l’entreprise aérospatiale pour leur accorder des emplois de directeurs principaux.
Les transfuges de Bombardier se sont également trouvé des emplois plus bas dans l’organigramme. Au niveau des directeurs, on compte sept ex-employés de Bombardier. Du lot, cinq ont été nommés depuis l’entrée d’Éric Martel.
La saignée se poursuit dans les échelons inférieurs, puisque pas moins de 38 cadres subalternes en tous genres ont quitté Bombardier pour Hydro-Québec depuis 2015, selon nos calculs, pour un total de 56 patrons.
Certains exemples sont particulièrement flagrants : le chef Surveillance et soutien technique, Jean-François Leclerc, lui-même issu de Bombardier, est allé recruter cinq des siens pour son équipe composée de sept personnes.
À l’échelle de la société d’État, la présence d’ex de Bombardier forme aujourd’hui « une concentration importante », constate le professeur Louis Hébert, directeur du programme de maîtrise en gestion des affaires (MBA) de HEC Montréal.
« C’est un nombre important, qui reflète l’arrivée d’un nouveau président chez Hydro. Mais aussi peut-être ce qui se passe à l’interne chez Bombardier », ajoute-t-il.
Voilà en effet plusieurs années que Bombardier procède à une « rationalisation » de ses activités, abolissant des emplois à coups de milliers. Rien qu’en 2018, elle a radié 5000 postes de son organigramme, dont la moitié au Québec. Certains postes de gestionnaires ont été affectés.
Réactions
Bombardier n’a pas souhaité commenter les informations du Journal.
Pour sa part, Hydro-Québec fait valoir que sur la même période, il y a eu 27 personnes qui ont été nommées à des postes de cadres supérieurs et de direction qui venaient d’autres organisations que Bombardier.
À titre comparatif, 105 employés d’Hydro-Québec ont quant à eux été promus à des postes de cadres supérieurs et de direction.
« On ne nie pas [le phénomène]. Mais il ne faut pas venir de Bombardier pour avoir une promotion. Cette affirmation est exagérée », note Marc-Antoine Pouliot, chef des affaires publiques et médias à Hydro-Québec.
Plusieurs embauches
- Pas moins de 18 hauts gestionnaires recrutés chez Bombardier depuis l’embauche d’Éric Martel
- Au moins 38 cadres intermédiaires et subalternes ont œuvré chez Bombardier avant d’être embauchés chez Hydro-Québec
Les effectifs d’Hydro en quelques chiffres
- 19 477 employés permanents et temporaires chez Hydro Québec en 2019. C’est l’effectif le plus bas depuis 1976.
- 909 permanents ont pris leur retraite en 2019.
- 263 permanents et 1202 temporaires ont été embauchés en 2019.
- 31 % de milléniaux (nés entre 1980 et 2000) au sein de la main-d’œuvre.
Quatre grands patrons
ÉRIC MARTEL
Hydro-Québec
- 2015 - aujourd’hui | Président et chef de la direction
Bombardier
- 2014 – 2015 | Président, Avions d’affaires
- 2011 – 2013 | Président, Services à la clientèle
- 2002 – 2011 | Vice-président (divers portefeuilles)
MARC BOUCHER
Hydro-Québec
- Juin 2016 – aujourd’hui | Président, Hydro-Québec TransÉnergie
Bombardier
- 2003 – 2016 | Vice-président, Bombardier Transport
- 1996 – 2002 | Gestionnaire, Bombardier Aérospatiale
DAVID MURRAY
Hydro-Québec
- 2018 – aujourd’hui | Chef de l’exploitation
- 2016 – aujourd’hui | Président d’Hydro-Québec Distribution
- 2015 – 2016 | Chef de l’information
Bombardier
- 2011 – 2015 | Vice-président et directeur général, Learjet et Global 5000/6000
- 2008 – 2011 | Directeur général des opérations, Challenger
ÉRIC FILION
Hydro-Québec
- 2018 – aujourd’hui | Président, Hydro-Québec Distribution
- 2016 – aujourd’hui | Vice-président
Bombardier
- 2013 – 2016 | Vice-président, avions Challenger
- 2007 – 2013 | Directeur, avions Global 5000 et 6000 et logistique
Au moins 6 directeurs principaux
JEAN-PIERRE BOURBONNAIS
- 2015 – aujourd’hui | Hydro-Québec
- 2000 – 2015 | Bombardier
GUILLAUME HAYET
- 2017 – aujourd’hui | Hydro-Québec
- 2007 – 2016 | Bombardier
SIMON RACICOT
- 2018 – aujourd’hui | Hydro-Québec
- 2008 – 2016 | Bombardier
JEAN LAPOINTE
- 2016 – aujourd’hui | Hydro-Québec
- 1999 – 2015 | Bombardier
PATRICK VIGNEAULT
- 2019 – aujourd’hui | Hydro-Québec
- 2005 – 2018 | Bombardier
MARIO ALBERT
- 2016 – aujourd’hui | Hydro-Québec
- 1995 – 2004 | Bombardier
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