«Colibri» de Natalia Hero: Reprendre possession de soi et guérir
Dans Colibri, un premier roman coup de poing, féroce et poétique à la fois, l’auteure et traductrice montréalaise Natalia Hero raconte comment une jeune femme essaie de reprendre possession d’elle-même et de guérir après un viol. Une surprise attend l’héroïne puisqu’elle donne naissance à un colibri et doit faire face à la présence continuelle et bourdonnante de l’oiseau dans sa vie.
S’inscrivant dans le courant du réalisme magique, ce court roman, sublime et tourmenté, cible avec beaucoup de justesse la vie quotidienne après un événement qui bouleverse une vie à tout jamais. Le colibri, insistant, toujours présent, fait écho aux émotions de l’héroïne, qui découvre qu’elle n’est pas la seule à avoir donné naissance à un colibri.
En entrevue, Natalia Hero explique qu’elle a écrit Colibri peu de temps avant l’apparition du mouvement #MeToo/#MoiAussi. «On entendait parler de beaucoup d’histoires. Je remarquais, dans la manière dont ces témoignages étaient présentés, qu’il semblait y avoir un manque d’empathie pour les victimes. Je voulais écrire quelque chose qui représente vraiment ce que c’est, non seulement de vivre cette expérience, mais aussi de vivre avec.»
Bruit insistant
L’écrivaine s’est inspirée en partie de sa propre histoire, de même que celle vécue par des gens de son entourage. «Chaque fois que j’ai partagé ma propre expérience avec quelqu’un, on m’en a toujours raconté une autre en retour. La violence sexuelle est tellement présente que j’ai souhaité compiler différentes histoires qui m’étaient racontées, pas seulement la mienne.»
L’idée – géniale – du colibri qui ne part jamais, lui est venue quand elle a pensé à créer un bruit insistant. «On essaie de vivre notre vie au quotidien, mais il y a toujours ce bruit en arrière-plan. Pendant quelque temps, c’est peut-être endurable, mais avec le temps, ça s’accumule et ça devient insupportable. J’avais cette image en tête.»
Elle voulait ensuite transformer le trauma en quelque chose de vivant, qui allait interagir et aider son héroïne à donner du sens à tout ce qu’elle vivait. «Elle développe une relation avec son traumatisme, en quelque sorte. J’ai pensé au colibri, à cause du bruit qu’il fait, mais aussi parce qu’il est constamment en mouvement, et qu’il est mû par un instinct de survie.»
Natalia Hero présente un personnage qui veut aller de l’avant et vivre sa vie, mais qui se retrouve piégé. Elle ne peut pas se défaire du colibri. En essayant de le tuer, elle risque de mourir elle aussi. «L’oiseau fait partie d’elle et elle doit l’accepter et l’intégrer.»
Il est question de traumatisme dans le roman, mais aussi d’espoir et de guérison. «Je présente plusieurs avenues possibles. Elle fait des rencontres de groupe, elle tente de revivre une relation intime, mais ça ne fonctionne pas. Elle doit, inévitablement, faire face à la situation et la confronter directement.»