Pourquoi les sondages empêchent Trump de dormir
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L’avance de Joe Biden sur Donald Trump dans les intentions de vote sera plus difficile à surmonter que celle de Hillary Clinton en 2016.
Le premier réflexe de beaucoup d’observateurs devant l’avance de Joe Biden sur Donald Trump dans les sondages d’intentions de vote est de dire qu’on ne peut pas s’y fier, puisque les sondages donnaient aussi une avance pour Hillary Clinton en 2016 et on connaît la suite. Oublions pour le moment les critiques primaires qui rejettent tous les sondages qui ne reflètent pas leurs préférences ou qui persistent à dire que les sondages de 2016 étaient faux. (Ils étaient assez justes: l’avance de Clinton au vote populaire était à moins d’un point de la moyenne prédite par les sondages.) Il y a de nombreux signes qui indiquent que l’avance actuelle de Biden est extrêmement préoccupante pour Trump.
Une avance plus forte qu’en 2016
D’abord, à moins de cinq mois des élections, la moyenne des sondages telle que calculée par Real Clear Politics indique une avance de 8 points pour Biden, contre 3 points à pareille date en 2016 pour Clinton. Plus généralement, si on compare les tendances de 2016 et 2020 du 1er janvier au 8 juin, on peut observer quelques différences clés.
Graphique 1 : Sondages d’intentions de vote Clinton vs Trump, 1er janvier-8 juin 2016
Graphique 2 : Sondages d’intentions de vote Biden vs Trump, 1er janvier-8 juin 2020
On constate d’abord que la moyenne d’appui de Hillary Clinton se situait autour de 46%, avec un plafond d’environ 50% et un plancher de 43% alors que Trump avait alors une moyenne d’environ 41%, un plancher de 39% et un plafond de 44%. On note aussi que l’écart entre les deux candidates est très variable. En 2020, la moyenne de Biden se situe autour de 49% et celle de Trump à environ 43%, avec des planchers respectifs de 47% et 41,5% et des plafonds de 51% et 45,5%.
À première vue, Biden dispose d’une avance en moyenne deux fois plus importante que celle de Clinton. Il est aussi notable qu’il y a significativement moins d’électeurs indécis ou discrets en 2020 qu’il y en avait en 2016 à pareilles dates. En 2020, la proportion des indécis et discrets oscille entre 5% et 11% alors qu’elle se situait entre 8% et 17% en 2016.
Un électorat moins mobile
Non seulement l’avance de Biden est plus élevée que ne l’était celle de Clinton en 2016, mais il y a moins de place pour le changement. C’est important, car une observation de la tendance de l’opinion en 2016 montre que les intentions de vote étaient sujettes à d’importantes variations, comme le montre la tendance générale pour l’ensemble de l’année qui a précédé l’élection de 2016. On peut probablement s’attendre à moins de variations d’ici à novembre prochain.
Graphique 3 : Sondages d’intentions de vote Clinton vs Trump, 1er janvier-8 novembre 2016
On constate aussi dans les sondages effectués jusqu’à ce jour en 2020 que Joe Biden a fréquemment atteint ou dépassé le seuil symbolique de la majorité absolue (50%) dans des sondages individuels (27 fois sur 71 sondages depuis le 1er janvier) alors que Hillary Clinton avait rarement atteint ce seuil (une seule fois dans la moyenne des sondages en avril 2016 et 13 fois dans des sondages individuels entre janvier et juin 2016).
D’autre part, on a observé à plusieurs reprises en 2016 un effet «miroir» dans les deux sens, ce qui suggère un va-et-vient des intentions de vote d’un candidat à l’autre et donc une certaine fluidité des appuis. Ce mouvement de va-et-vient, qui était présent dans une certaine mesure entre Trump et Biden à la fin de 2019, semble beaucoup moins présent en 2020. À huit reprises pendant l’année 2016, les niveaux d’appui de Clinton et de Trump se sont approchés à moins de deux points de pourcentage. L’actuel président a eu de la chance qu’un de ces points de rapprochement ait eu lieu juste au moment de l’élection.
Perspectives peu reluisantes
Donald Trump a gagné de justesse en novembre 2016. Il a perdu le vote populaire par deux points de pourcentage et a remporté le collège électoral par une mince marge d’environ 80 000 votes dans trois États clés. Quelles sont ses chances de répéter cet exploit dans les conditions actuelles?
Il est toujours hasardeux de faire des prédictions, mais il est déjà possible de constater que non seulement l’avance de Joe Biden sur Donald Trump est plus élevée et plus stable que celle que Hillary Clinton avait sur lui il y a quatre ans, mais les électeurs indécis ou amovibles se font extrêmement rares et il lui sera d’autant plus difficile de les ramener vers lui.
Si on ajoute à ce tableau général la situation peu reluisante des appuis à Trump dans plusieurs États clés qu’il ne peut pas se permettre de perdre et le déclin marqué de ses appuis parmi plusieurs groupes d’électeurs qui forment le noyau de sa base partisane (j’y reviendrai), il n’y a pas de quoi s’étonner qu’un air de panique commence à se faire sentir à la Maison-Blanche et que plusieurs législateurs républicains commencent à envisager de prendre leurs distances d’un président qui ressemble de plus en plus à un fardeau pour leur perspectives de réélection.