L’anglais domine chez Goodfood
Plusieurs plaintes d’anciens employés à l’Office québécois de la langue française
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Il n’y a pas que le nom de Marché Goodfood qui est principalement en anglais : d’ex-travailleurs du fleuron québécois de prêt-à-manger accusent l’entreprise d’avoir imposé l’anglais comme langue de travail, de formation et de communication.
Marc (nom fictif) a travaillé quatre mois chez Goodfood, la plus grosse entreprise de prêt-à-cuisiner au Canada. Ce Montréalais a vite déchanté quand la formatrice a demandé à la trentaine de personnes présentes au premier jour de formation si elle pouvait leur offrir la formation en anglais seulement.
« Je n’avais même pas encore signé mon contrat, je n’allais pas lui dire non ! Certaines consignes, on était plusieurs à ne les comprendre qu’à moitié », dit-il.
La situation ne s’est guère améliorée par la suite. « La plupart des courriels, toutes les instructions, tous les formulaires étaient en anglais. On n’avait même pas l’option de choisir le français. Le site web interne était surtout en anglais. »
Comme l’a constaté Le Journal, plusieurs des offres d’emplois à Montréal sont aussi en anglais seulement, ce qui contrevient à la Charte de la langue française, aussi appelée la loi 101. De nombreuses informations destinées aux actionnaires de la compagnie sont aussi publiées en anglais uniquement.
Après quelques mois, Marc a démissionné, convaincu que son anglais imparfait constituait un « frein » pour progresser dans l’entreprise. Il s’est rapidement replacé dans le secteur de la santé.
« Goodfood viole la Charte de la langue française et même si j’ai quitté, mon malaise reste entier », dit-il.
Comme lui, au moins deux autres travailleurs ont porté plainte à l’Office québécois de la langue française, a pu confirmer Le Journal.
« Illégal et inacceptable »
Selon la loi, toute entreprise qui emploie 50 personnes ou plus doit utiliser le français à tous les niveaux.
« Cela vise les communications internes, les directives, les procédures et les politiques », a énuméré une porte-parole de l’Office.
« La Charte prévoit aussi l’utilisation du français dans les documents de travail, notamment dans les manuels ».
La Charte précise aussi que « tous les employés ont le droit d’exercer leurs activités en français », ce qui ne serait pas le cas chez Goodfood.
L’OQLF est en contact et travaille avec Goodfood », a pour sa part précisé Élisabeth Gosselin, la porte-parole du ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette.
Le président du Mouvement Québec français (MQF), Maxime Laporte, dénonce la situation.
« C’est illégal et inacceptable. Si cette entreprise respecte les Québécois, ses clients et ses travailleurs, la moindre des choses c’est qu’elle veille à corriger la situation », dit-il.
Pas le reflet de la réalité
Dans un courriel, le porte-parole de Marché Goodfood, Pierre Boucher, soutient que ces plaintes et témoignages « ne reflètent pas la réalité quotidienne » de l’entreprise, qui « comprend très bien les réalités de notre province. »
« Dans le contexte où Goodfood a des opérations dans l’ensemble du Canada, il est certainement possible que certaines formations ou réunions offertes à l’échelle du pays soient tenues en anglais seulement. Par contre, ce type de situation ne touche qu’une petite proportion de nos 2000 employés d’ici. De plus, c’est une situation incontournable à laquelle font face les entreprises québécoises avec des activités à l’extérieur de la province », a précisé M. Boucher.
Goodfood Market Corp.
- Fondé en 2014 sous le nom de Culiniste par Jonathan Ferrari et Neil Cuggy, tous deux natifs de Montréal.
- Inscrit en Bourse (TSX : FOOD) depuis 2017.
- Près de 260 000 abonnés à leurs boîtes de prêts-à-cuisiner.
- Plus de 2000 employés au pays, notamment dans l’arrondissement Saint-Laurent de Montréal, et à Calgary.