Le Québec des Rose du FLQ
Bombardier

C’est inévitable. Ceux qui verront le film de Félix Rose, Les Rose, et qui n’ont pas connu la période du FLQ risquent de garder une image romantique enivrante, déprimante ou déformée des années 1960 et 1970 pendant lesquelles le terrorisme sévissait au Québec.
Je ne suis pas étonnée de la réaction de mon ami Mathieu Bock-Côté, qui a écrit dans un souffle : «Au cœur du film, on retrouve la souffrance immense d’un peuple conquis, dominé, humilié, condamné à vivre étranger dans son propre pays, dans une misère dont nous avons perdu le souvenir.»
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Que le fils-cinéaste de Paul Rose soit en quête de sa famille, détonante à tous égards, se comprend. Que le fils aime et admire un père, par ailleurs sacralisé par une frange de Québécois « révolutionnaires », croyant aux vertus de la violence, est un sentiment aussi compréhensible. L’amour, filial et familial, peut être aveugle.
Le film de Félix Rose fait aussi une apologie inévitable de cette période felquiste où des Québécois ont fait exploser des bombes qui ont tué des gens. Les terroristes ont également en 1970 kidnappé un diplomate britannique, James Cross, et surtout tué le vice-premier ministre libéral Pierre Laporte après que la cellule des frères Rose l’eut kidnappé.
Affranchissement
Faut-il rappeler à nos lecteurs qu’en 1970, le Québec s’était déjà affranchi de nombre de ses contraintes ? La Révolution tranquille avec son slogan « Maîtres chez nous » avait permis la création du ministère de l’Éducation, la nationalisation de l’électricité et l’abolition de la censure imposée par l’Église qui, elle, a dû s’éclipser pour faire place à une laïcité qui a mis un terme au pouvoir du clergé dans toutes les sphères d’activité !
Le FLQ a nui à la souveraineté du Québec défendue par René Lévesque à la tête du Parti québécois. D’ailleurs, l’ancien premier ministre était un des critiques les plus virulents du FLQ.
Rappelons-nous tout de même que le terrorisme de l’époque a permis à Pierre Elliott Trudeau, alors premier ministre, d’abolir les libertés civiles au Canada et de maintenir ainsi un climat délétère au Québec.
Avec son arrogance et son machiavélisme — « Just watch me » avait-il lancé aux journalistes à Ottawa –, il s’est servi des actions du FLQ pour démontrer la nocivité politique du Québec nationaliste. Cela lui permettra en 1982 après le NON au référendum de rapatrier sans l’accord du Québec affaibli la Constitution canadienne.
Intimiste
Le film de Félix Rose doit être vu comme un témoignage personnel et intime. Malgré le fait que les archives nous plongent dans un huis clos politique.
Les frères Rose, contrairement à ce que clament certains, ne sont pas représentatifs de la classe ouvrière. Les modèles des Rose, leurs références, à vrai dire, se rapportent aux terroristes de l’IRA et de l’Algérie anticolonialiste, aux Tupamaros et aux combattants armés du Moyen-Orient.
Paul Rose est mythifié par son fils Félix. Et la grande sensibilité de celui-ci se retrouve dans les questions qu’il pose à son oncle Jacques, le second felquiste de la famille.
On ne sort pas indemne d’être le fils d’un père comme Paul Rose et de son environnement. Mais la violence du discours politique laisse étonnamment place à l’affection paternelle.
Quel héritage que celui de Félix Rose !