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Un informaticien et un ancien ouvrier se tournent vers la prêtrise

Leurs expériences personnelles deviendront un atout dans leur nouvelle vocation

futurs prêtres Pascal Cyr et Francis Bégin
Photo Ben Pelosse Pascal Cyr (à gauche) et Francis Bégin (à droite) sont deux nouveaux prêtres venant de terminer leur formation de huit ans au Grand Séminaire de Montréal après de précédentes carrières en construction, en ébénisterie et en informatique.

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Après des détours en construction, en ébénisterie et même en informatique, deux hommes célébreront désormais la messe, ayant tout juste terminé leur formation de prêtre au Grand Séminaire de Montréal.

« Je peux compter sur les doigts d’une seule main le nombre de fois que je suis allé à l’église quand j’étais enfant », lance en riant Francis Bégin, que rien ne prédestinait à une vie en paroisse. 

Il sera pourtant ordonné prêtre le 2 octobre.

L’homme de 47 ans, originaire de la Rive-Sud, est l’un des deux finissants de cette année du Grand Séminaire de Montréal.

À 16 ans, Francis Bégin s’était donné le défi de lire la Bible au complet, car l’ouvrage l’attirait.

« Je me disais que “si je réussis à lire ce livre-là, je vais tout savoir ce que j’ai à savoir” », se souvient-il.

Mais après le secondaire, il est devenu ébéniste. Puis, un certificat en informatique l’a mené à travailler six ans en programmation web.

Il ne s’en cache pas, il rêvait au mariage. 

« J’aurais aimé ça, mais les circonstances ont fait que ça n’a pas eu lieu, et mon interprétation, c’est que Dieu avait un autre plan pour moi », souligne M. Bégin.

Une vie de couple

Son parcours sinueux vers l’Église n’est pas sans rappeler celui de son confrère séminariste Pascal Cyr, 50 ans, qui vient d’être ordonné prêtre, vendredi dernier.

Il explique avoir lui aussi répondu tardivement à « l’appel de Dieu ».

M. Cyr vient pour sa part d’une famille très pratiquante de Lachute, dans les Laurentides. Il avait même commencé ses études au Grand Séminaire au début des années 1990. Mais après cinq ans, il a pris ses distances, ressentant le besoin de nouvelles expériences de vie.

Il a œuvré dans la construction, notamment dans la réparation et la modernisation d’ascenseurs. Il a aussi travaillé durant huit ans dans une quincaillerie.

ll a goûté à la vie de couple. « Fallait l’essayer », dit-il, ajoutant que le désir d’être prêtre lui est cependant revenu.

Pour les deux hommes, ces détours et expériences seront un atout dans leur nouvelle vocation.

« Je serai plus proche des gens, car ce que tout le monde peut vivre dans leur quotidien, je l’ai vécu aussi. C’est une richesse pour moi », soutient M. Cyr.

Du web à Dieu

« Par exemple, j’ai travaillé en informatique, et normalement, il n’y a pas de lien avec la prêtrise. Mais quand il y a eu la [pandémie] de COVID-19, toute mon expérience m’a servi », renchérit M. Bégin, qui s’est trouvé fort bien outillé pour les messes en visioconférence.

Selon le recteur Guy Guindon, c’est environ le tiers de la vingtaine des séminaristes à suivre la formation de huit ans pour devenir prêtre qui arrivent plus âgés et avec une autre carrière en poche. 

Il y a près de 1000 curés en moins depuis 2014

<b>Guy Guindon</b><br /><i>Recteur du Grand Séminaire de Montréal</i>
Photo Ben Pelosse
Guy Guindon
Recteur du Grand Séminaire de Montréal

Le nombre de prêtres a chuté de 25 % ces dernières années au Québec, alors que la province a perdu près de 1000 d’entre eux depuis 2014, selon la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Le Québec comptait 2340 curés en 2018, les dernières données disponibles de l’organisme. Ils étaient cependant 3102 en 2014.

« Il y a une grosse pénurie, c’est sérieux », remarque le recteur du Grand Séminaire de Montréal, Guy Guindon. 

Depuis 10 ans, ce prêtre compte sur un nombre stable, mais insuffisant, d’une vingtaine de séminaristes menant à deux ou trois ordinations en moyenne par année.

Afrique et Tahiti

Plus de 200 étudiants pouvaient fouler le Grand Séminaire il y a plus de 60 ans.

Le danger de la pénurie est que les prêtres se promènent d’une paroisse à l’autre et ont moins de temps pour être près des gens, déplore-t-il.

Comme bien des corps de métier, l’Église catholique doit elle aussi miser sur l’immigration pour gonfler ses rangs, notamment grâce à des prêtres de l’Afrique de l’Ouest. 

De nouveaux séminaristes à Montréal viennent même d’aussi loin que de Tahiti, une île de la Polynésie française située dans l’océan Pacifique.

Plus modeste

C’est d’ailleurs pour refléter cette Église plus modeste que le Grand Séminaire a quitté sa vaste demeure historique de la rue Sherbrooke pour une ancienne résidence de sœurs de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.

M. Guindon vante les mérites pour les futurs prêtres de se retrouver dans un secteur avec une vie de quartier et des familles, par exemple. Dans le nouveau bâtiment, ils participent aussi aux tâches de la maison, comme les repas, la vaisselle et le ménage.

« C’est une vie qui ressemble à tous les étudiants », dit-il.

« C’est fini [l’époque du] prêtre qui a une cuisinière et quelqu’un qui lave son linge. L’Église n’a plus ces moyens-là », poursuit M. Guindon, d’où l’importance de former les séminaristes « à se débrouiller » pour les préparer à cette nouvelle réalité.

NOMBRE DE PRÊTRES AU QUÉBEC

2014 : 3102

2015 : 2904

2016 : 2823

2017 : 2462

2018 : 2340

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