Je suis étudiant
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Ça se déroulait dans un cours d’université, il y a quelques mois. Un professeur, en toute bonne volonté, nous demande ce que nous pensons d’un manifeste publié dans les journaux qui dénonce le dogmatisme universitaire.
Unanimité chez les étudiants, dont moi: non, il n’y a pas de véritable problème.
Certes, certains militants radicaux empêchent la tenue de conférences par exemple. Mais ça demeurait, pour moi, un phénomène assez marginal.
C’est cette unanimité de notre classe de 12 étudiants qui a fait scintiller une lumière.
Et si le problème, c’était d’abord nous, les étudiants?
Notre responsabilité
C’est nous, comme étudiants, qui avons la responsabilité première de ce climat de tension qui règne de plus en plus à l’université.
C’est nous, en première ligne, qui devons déconstruire le climat de suspicion dans nos universités, que nous avons contribué à bâtir par notre intransigeance parfois impulsive, et empêcher que la peur fasse loi sur nos campus.
Nous sommes étudiants et nous devons assumer notre choix de l’être. Nous devons accepter d’être exposés aux pages sombres de notre histoire, dans le respect et la dignité de chacun, tout en réussissant à mettre nos susceptibilités de côté.
La transmission du savoir ne doit pas être diluée par la peur.
Enseigner les mots tabous, ne pas les cacher ou les dérober, les remettre dans leur contexte, expliquer en quoi ils sont liberticides, c’est de cette manière qu’on lutte efficacement contre le racisme et qu’on crée des citoyens de demain.
L’université n’est pas un lieu de réconfort pour nos certitudes. Elle porte en elle-même la promesse contraire: celle de confronter les idées et de nous exposer à des thèses qui peuvent déranger, et cela doit se faire en toute liberté autant pour nous, les élèves, que pour le corps professoral.
Défendre la liberté pédagogique
C’est aussi notre responsabilité de s’asseoir en classe et de présumer de la bonne foi du professeur pour qu’il mène à bien des débats calmes et apaisés.
Et non sans cesse d’épier son vocabulaire à la recherche de matière à s’indigner pour en montrer ses propres vertus, sa propre pureté.
À Ottawa, les étudiants ont la responsabilité, le devoir même, de revenir dans la classe de la professeure Verushka Lieutenant-Duval, et de soutenir les 34 professeurs qui l’ont défendue qui font maintenant les frais de commentaires désobligeants et d'une campagne de cyberintimidation.
Nous ne sommes pas obligés d’importer la fureur polarisante et inquiétante américaine sur nos campus à nous.
La cancel culture est la plupart du temps une chose abjecte et violente, qui, au nom du bien, compromet la mise en place d’un débat légitime. Comme ce fût le cas avec la professeure Lieutenant-Duval à Ottawa.
La liberté pédagogique doit d’abord être portée par des étudiants ouverts au savoir, ouverts au débat.
S’il y a un safe space à entretenir, c’est bien celui de l’université.