On est plus riche en partageant
Mieux comprendre le monde afin de contribuer à ce qu’il devienne ce que l’on souhaite peut s’amorcer en lisant un petit livre tout simple. Du plomb dans les ailes vient tout juste d’être publié par Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent. Il met en lumière les inégalités qui nuisent à toute la société. Des moyens concrets pour les atténuer y sont aussi présentés.
Des conséquences mesurables
Nos revenus influencent la qualité de ce que l’on mange, ce que l’on boit, la salubrité du logement où l’on habite, notre exposition à la pollution et au stress, notre niveau d’éducation et même notre capacité à rêver à un avenir meilleur. Pour toutes ces raisons, ils ont un effet majeur sur notre qualité de vie et donc sur notre santé physique et mentale.
Même si les inégalités de revenus et de richesse progressent moins vite au Québec que dans la majorité des pays du monde, on pourrait les réduire davantage. Toute la population s’en porterait mieux. Incluant les plus fortunés.
En ce moment, les 20% les mieux nantis du Québec détiennent plus de 66% de la richesse. Pendant ce temps, plus de 812 000 personnes n’ont pas de revenus suffisants pour combler leurs besoins de base, selon cette publication rédigée par un groupe d’experts.
Derrière ce gros chiffre impersonnel se trouvent plus de 812 000 visages et tout autant d’histoires. Des gens pour qui 30$ de plus ou de moins dans une semaine font une grande différence, alors que, pour les plus riches, ce n’est même pas le prix d’une bouteille de vin.
Vivre moins longtemps
La pauvreté tue prématurément des gens qui, dans d’autres circonstances, pourraient vivre longtemps et en santé. Les inégalités économiques expliquent en grande partie l’écart d’espérance de vie d’une personne qui nait dans un pays riche ou pauvre, ou même dans des quartiers différents d’une même ville.
Si, au Canada, aux États-Unis et au sein de l’Union européenne, il est normal de mourir autour de 80 ans, ce n’est pas le cas dans les pays à faibles revenus, où l’espérance de vie est en moyenne de 63 ans. Il s’agit d’un écart de 17 ans.
Au Québec aussi, les inégalités sociales et économiques ont des conséquences sur l’espérance de vie. Dans le secteur de la Haute-Ville de Québec, par exemple, l’espérance de vie est de 85 ans, alors qu'elle est de 77 ans dans la Basse-Ville. Huit ans d’écart dans un même pays, une même province et une même ville.
Des comparaisons convaincantes
Si dire qu’on est plus riche en partageant peut sembler contre-intuitif, c’est pourtant ce que les études empiriques tendent à démontrer. Un partage plus équitable des richesses a des effets positifs pour tout le monde.
Dans un autre livre, intitulé L’égalité, c’est mieux, les épidémiologistes Kate Pickett et Richard Wilkinson ont démontré à quel point les inégalités exacerbent les problèmes sociaux. Et, a contrario, comment les sociétés les plus équitables bénéficient à tous.
Ils en sont venus à ces conclusions il y a déjà quelques années, après avoir comparé les indices de santé et de développement social de 23 des pays les plus riches, ainsi que ceux de plusieurs États américains.
Ainsi, plus une société est égalitaire, meilleure tend à être la santé physique et mentale de ses citoyens. Le niveau d’éducation, la mobilité sociale, la vie communautaire et le bien-être des enfants y sont mesurablement plus élevés, quel que soit le niveau de revenu.
À l’opposé, les pays les plus inégalitaires sont généralement ceux où l’on observe davantage de problèmes liés à l’obésité et à la consommation de drogues, même chez les riches. Un plus fort taux de criminalité et d’emprisonnement y sont aussi associés.
D’autres études ont démontré que les pays les plus égalitaires sont aussi ceux dont les citoyen.ne.s se disent les plus heureux. Ce n’est pas si surprenant, sachant qu’à l’échelle individuelle aussi, les individus les plus généreux ont tendance à être plus heureux que la moyenne.
Agir maintenant
Sachant tout cela, est-ce qu’on devrait accepter de bon cœur de payer notre juste part d’impôts? Les riches et les entreprises devraient-ils dire adieu aux paradis fiscaux? Objectivement: oui! C’est dans notre intérêt à tous.
Comme l’expliquent les auteurs du livre Du plomb dans les ailes, le hic est que bien des gens n’ont pas l’impression que des hausses d’impôts serviraient à réduire la pauvreté et les inégalités sociales.
Ce manque de confiance nous freine dans notre élan de partage. Alors que, dans les faits, nous profitons tous des systèmes collectifs qui existent grâce à nos impôts, que ce soit en matière de santé, d’éducation, de sécurité, d’environnement, d’infrastructures, etc.
Ironiquement, on remarque aussi que beaucoup de gens et d’entreprises qui reçoivent des transferts fiscaux sont parmi les premiers à réclamer des baisses de taxes et d’impôts. Pourtant, une fois tout calculé, ils reçoivent plus que ce qu’ils paient. Un sérieux travail d’éducation à la fiscalité est donc à faire.
Un bon moyen de commencer est de lire Du plomb dans les ailes. Si vous n’en avez pas le temps, je vous invite à regarder au moins cette courte vidéo et à la partager.