Rien à voir avec Charlie
Durocher

Ils ont tué ceux qui ont fait les dessins.
Ils ont tué ceux qui ont publié les dessins.
Ils ont tué ceux qui ont montré les dessins en classe.
Et lundi à Vienne, ils ont tué ceux qui n’avaient rien à voir avec les dessins.
INTERDIT DE CHOQUER ?
L’attaque sordide, lundi à Vienne, m’a laissée sans mots. Comment expliquer que Vienne soit attaquée par un terroriste islamiste alors que l’Autriche n’a pas publié les caricatures de Charlie Hebdo ?
Mais que vont écrire les chroniqueurs/chroniqueuses qui n’arrêtent pas de nous dire que la France a mis de l’huile sur le feu en republiant les dessins provocateurs de Charlie Hebdo ?
Puis j’ai pensé à la déclaration de Justin Trudeau au sujet des « limites » de la liberté d’expression.
Si on suit son raisonnement, il faut faire attention de ne pas publier des images offensantes car ça peut provoquer la colère de certains extrémistes.
Alors, comment expliquer que ces extrémistes assassinent à la mitraillette... même quand on ne publie rien du tout ?
LA LIBERTÉ N’EST PAS À GÉOMÉTRIE VARIABLE
Ce que Monsieur Trudeau dit c’est : « La liberté d’expression, oui, mais à condition que ça ne choque personne ». Or, comme le rappelait en Chambre le député conservateur Gérard Deltell : « La liberté d’expression n’existe pas seulement quand ça fait notre affaire. Ça doit exister surtout quand ça ne fait pas notre affaire ».
En février 2015, après l’atten-tat à Charlie Hebdo, deux sociologues ont publié une étude rigoureuse sur les caricatures publiées à la une de l’hebdomadaire. Leur conclusion : le journal satirique se moquait avant tout des personnalités politiques et médiatiques. Et se moquait « beaucoup plus » des chrétiens que des musulmans. Sur 523 unes du magazine, seulement 38 portaient sur la religion, dont 21 sur le christianisme et... 7 sur l’islam.
Tenez, un exemple au hasard. Le 31 mars 2010, la caricature de Cabu vise les « évêques pédophiles ». On y voit le pape, dans un confessionnal, qui dit à un évêque agenouillé : « Faites du cinéma, comme Polanski ». C’est extrêmement insultant pour les catholiques... et pour les fans du réalisateur.
Le 24 juillet 2013, Charlie Hebdo publie à la une un dessin intitulé Le pape à Rio. On y voit le pape déguisé en fofolle de carnaval, en string rose, avec des plumes dans le derrière, qui se dit « prêt à tout pour racoler des clients ! ». C’est extrêmement offensant pour les catholiques et pour les Brésiliens.
JESUS CHRIST SUPERSTAR
Monsieur Trudeau, je me demande si vous vous souvenez ce qui s’est passé en décembre 2017.
La leader conservatrice Candice Bergen avait dénoncé une photo de vous, où vous portiez un chandail humoristique montrant Jésus avec un chapeau de fête sur la tête et un visage de bonhomme sourire. Mme Bergen avait écrit que vous vous « moquiez et ridiculisiez » la chrétienté. Elle avait trouvé « blessant et intolérant pour les chrétiens » que vous osiez arborer un cartoon de Jésus.
Voyez-vous, Monsieur Trudeau, il y aura toujours quelqu’un, quelque part, qui sera choqué/offensé/blessé par une chose que vous dessinez/écrivez/chantez/pensez ou même, par un chandail que vous portez.
Mais rien, jamais, ne justifiera qu’un homme ou une femme se fasse décapiter pour ça.