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La beauté des mots

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Après la sortie de Pissenlit, son nouvel album, l’auteur-compositeur-interprète Antoine Corriveau nous a fait une fleur en acceptant de décrire son univers littéraire.

Quel a été votre tout premier gros, gros coup de cœur littéraire ? 

À l’adolescence, j’ai été charmé par les récits d’aviation d’Antoine de Saint-Exupéry. J’aimais beaucoup son écriture et j’ai aussi été touché par deux livres de correspondance de sa jeunesse qu’il y avait à la bibliothèque de mon école secondaire. Un peu plus tard, un de mes premiers grands chocs fut la découverte de Nelly Arcan. C’était la première fois que je lisais et relisais des phrases cinq fois de suite juste parce que je les trouvais d’une époustouflante beauté. C’est elle qui m’a fait prendre la pleine mesure de toute la virtuosité possible en écriture.

Et le tout dernier ? 

La marche en forêt de Catherine Leroux. J’ai découvert cette autrice dans la dernière année, avec Le mur mitoyen que j’ai aussi trouvé splendide. Dans les deux cas, j’ai été complètement happé par les récits, excessivement bien échafaudés, et encore une fois par l’écriture, si prenante et maîtrisée.

Sinon, quels sont les livres qui vous ont particulièrement marqués au cours de votre vie ? 

Kamouraska d’Anne Hébert. C’est le premier Anne Hébert que j’ai lu et j’ai été complètement renversé par son écriture. J’y ai été en contact avec des procédés d’écriture que je n’avais jamais vus de ma vie, qui m’ont impressionné. Je pense qu’Anne Hébert devrait être une lecture obligatoire à l’école. C’est une immense autrice.

Prochain Épisode d’Hubert Aquin. À la même période, j’ai découvert Hubert Aquin, qui m’a aussi profondément touché. J’ai trouvé un peu scandaleux de découvrir seulement à la mi-trentaine cette littérature de haut niveau et me suis dit que notre éducation littéraire était déficiente pour que l’on ne célèbre pas davantage ce genre de patrimoine.

Les États-Unis du vent de Daniel Canty. J’ai découvert Daniel Canty dans la dernière année. J’ai beaucoup aimé ce livre, sorte de journal d’une improbable quête. La dentelle de son écriture rencontrant la banalité des routes de motels américains m’a particulièrement plu. Il est fascinant de suivre le fil de ses pensées, tellement précis, comme si nous y étions.

Je suis fatigué de Dany Laferrière. J’aurais pu nommer presque n’importe quel livre de Dany Laferrière, un de mes auteurs préférés. Il vient toujours me toucher par son habileté à me faire ressentir les choses. Lorsqu’il décrit un sentiment, la température de l’eau du bain, le goût d’une bouteille de mauvais vin, je ressens tout dans les moindres détails, alors je suis là, avec lui, incapable d’arrêter ma lecture tellement elle est vivante.

Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan. Ce récit-fleuve, autobiographique et troublant, m’a touché droit au cœur, alors qu’on suit la descente aux enfers, la vie et la mort de la mère de l’autrice, dans un récit personnel très poignant, sans aucun apitoiement, la simple trace d’une déchirure, une plaie qu’elle panse sous nos yeux. Un grand geste de courage.

Vous vous rappelez un roman qui a réussi à vous empêcher de dormir une bonne partie de la nuit ? 

Je me suis couché un soir en commençant la lecture de L’Adversaire d’Emmanuel Carrère et ne me suis endormi qu’une fois le livre terminé. Carrère m’a tenu entre ses griffes à plus d’une reprise, et la lecture de ce livre en particulier est impossible à arrêter. Il y suit le procès et nous raconte l’histoire vraie de Jean-Claude Romand, un homme sans histoire qui a assassiné toute sa famille après des années de mensonges et de secrets. 

Qu’avez-vous lu de bon cet été sur les plages des Îles-de-la-Madeleine ? 

Mayonnaise d’Éric Plamondon, deuxième tome de sa trilogie 1984. La liberté dans la forme que se permet l’auteur dans presque tous les livres que j’ai lus de lui est à son paroxysme ici. Il y fait toute la démonstration de son savoir-faire, son habileté à nous faire vivre de grandes émotions en nous surprenant d’une page à l’autre. 

Est-il déjà arrivé qu’un livre vous inspire des paroles de chanson ?  

Il s’agit encore une fois d’Éric Plamondon, avec le livre Taqawan. Je lui ai demandé l’autorisation d’adapter un des passages de son livre pour ma chanson Les sangs mélangés qui se retrouve sur mon dernier disque Pissenlit. Sa citation est devenue dans ma chanson : En Amérique/ On a tous du sang indien/ Si c’est pas dans les veines/ C’est sur les mains.

Est-ce qu’il y a un livre ou un roman auquel vous revenez régulièrement depuis des années ?
Je relis rarement un livre, mais j’ai passé plusieurs années à lire presque exclusivement de la bande dessinée. J’aime partager avec mes proches des lectures qui m’ont beaucoup touché et auxquelles je reviens, d’une certaine manière, en les leur offrant. Parmi celles-ci, je pense à Maus d’Art Spiegelman, la série des Paul de Michel Rabagliati, Le moral des troupes et plein d’autres livres de Jimmy Beaulieu, le travail de Chris Ware, Chester Brown, Adrian Tomine, Lewis Trondheim et Manu Larcenet, pour n’en nommer que quelques-uns.

Présentement, qu’êtes-vous en train de lire ? 

Je viens tout juste de terminer La trajectoire des confettis de Marie-Ève Thuot, qui m’a happé d’un coup. Dès les premières pages, je suis embarqué dans cet imposant récit, savamment construit comme une grande saga familiale, où elle tisse des liens fascinants sur plus de 600 pages. Un immense talent, j’ai beaucoup aimé.

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