Un Québécois combat Kraft Heinz avec le couteau entre les dents
Il ne digère pas de voir Québec prêter deux millions de dollars à la multinationale
Coup d'oeil sur cet article
Un entrepreneur de Chicoutimi qui a lancé sa compagnie de ketchup après la fermeture de l’usine ontarienne de Kraft Heinz espère battre le géant américain sur son propre terrain.
• À lire aussi: L’affaire est ketchup
«C’est David contre Goliath. On ne se le cache pas : nos compétiteurs c’est Kraft Heinz et French’s, et on rentre dedans. On se bat contre des entreprises parmi les plus féroces au monde», partage au Journal Simon-Pierre Murdock, le grand patron de Canada Sauce, qui est installée à Chicoutimi.
Mardi, Kraft Heinz a annoncé qu’il allait fabriquer du ketchup à son usine de Mont-Royal avec des tomates qui viennent «à 100 % de Californie» avec l’appui financier du gouvernement du Québec, qui va lui offrir un prêt de deux millions de dollars, ce qui a fait sursauter l’entrepreneur du Saguenay.
«S’il y a bien une compagnie qui n’en a pas besoin, c’est bien eux. Les entrepreneurs du Québec ont besoin de chaque dollar pour survivre, et on s’en va prêter 2 millions de dollars à Kraft Heinz», a tranché l’homme d’affaires, qui a réussi à imposer ses condiments dans 844 points de vente.
Depuis ses débuts, Simon-Pierre Murdock a écoulé deux millions de bouteilles de ketchup, relish et moutarde. Ces deux dernières années, ses ventes ont explosé de 40 %. Aujourd’hui, il souhaite quadrupler sa production.
«On refuse les commandes à coup de cent palettes. Ça donne une idée. Les épiciers ont aussi leur rôle à jouer pour nous placer au bon endroit parce que Kraft Heinz et French’s payent des millions de dollars pour empêcher la compétition d’être là», avance-t-il.
- Écoutez la chronique économique d’Yves Daoust sur QUB radio:
Tomates à ketchup
Il y a deux ans, lorsque Simon-Pierre Murdock a fondé son entreprise, il a fait le tour du Québec pour essayer d’avoir des tomates québécoises, mais il n’a pas réussi à trouver des producteurs de tomates de champs à ketchup.
Il s’est alors tourné vers l’Ontario, sous le choc après la fermeture surprise de son usine de Leamington, en plein cœur de la capitale de la tomate.
«Ça a été un bon défi parce que la majorité des producteurs là-bas vendaient à Kraft Heinz, French’s ou Primo, qui est le principal vendeur de pâtes de tomate», a poursuivi l’entrepreneur.
Pour le reste, il a trouvé un producteur de moutarde de l’Alberta et des concombres 100 % québécois pour fabriquer sa relish.
«Nos concombres viennent des serres Toundra situées à 150 kilomètres de mon usine. Ils sont fraîchement découpés. Ils arrivent en même pas une heure à mon installation», lance avec fierté Simon-Pierre Murdock.
- Écoutez la chronique de François Lambert à QUB radio
Sirop d’érable
Pour celui qui consacre ses énergies à dénicher des ingrédients locaux, le marketing «québécois» des marques américaines comme Kraft Heinz et French’s (McCormick) ne veut rien dire.
«On a 30 % moins de sodium dans notre ketchup et la moitié moins de sucre. Nous, on met une feuille d’érable sur nos produits parce que l’on met du sirop d’érable dedans», conclut-il.
– Avec la collaboration de Jean-François Gibeault
➤ Ces dernières années, Kraft Heinz a obtenu plus de 20 millions de dollars en aides publiques de toutes sortes du gouvernement québécois, soit 15 millions de dollars (2002), 3,8 millions de dollars (2016) et 2 millions de dollars (2020).