La littérature comme exutoire
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Après Tu ne tueras point, son premier roman formé de trois grandes nouvelles, c’est un recueil d’une quinzaine de nouvelles que nous offre Anne Peyrouse. Alliant récits autobiographiques, nouvelles et textes flirtant avec le conte, Encore temps de rebrousser chemin se veut un amalgame de tout ce qui fait, littérairement, vibrer son autrice.
Il y a des amours qui prennent racine dans la difficulté. C’est ce qui est arrivé à Anne Peyrouse qui a passé bon nombre de ses mercredis d’enfance à jouer avec les mots et les lettres qu’elle confondait – ce qui allait forger son amour de la littérature – avec une orthophoniste.
« J’aime bien en parler pour casser le mythe de l’écrivain qui a beaucoup de facilité avec la langue, explique-t-elle. Pour montrer qu’on n’arrive pas tous avec une facilité avec l’écriture ni avec notre relation avec la langue française. Très jeune, la langue française a fait partie de ma vie parce que je me suis battue avec elle. Ce travail s’est fait dans le plaisir, car mon orthophoniste me faisait jouer. Tout cet aspect ludique, la difficulté à travers le jeu, a vraiment été agréable. »
C’est à l’âge de 13 ans, à son arrivée au Québec, que la future écrivaine originaire de la France a commencé à écrire. De la littérature fantastique tout d’abord, puis un peu de poésie une fois rendue à l’université.
« Je lisais les classiques français et, à mon arrivée au Québec, les auteurs québécois comme Anne Hébert, Saint-Denys Garneau, ajoute celle qui séchait les cours pour aller lire, cachée sous un abreuvoir. J’ai beaucoup lu au secondaire, comme de la littérature russe, car je m’ennuyais beaucoup. »
15 nouvelles comme autant de styles d’écriture
Encore temps de rebrousser chemin est un recueil de nouvelles voguant entre le récit autobiographique et le conte qui porte franchement bien son nom.
« Ce titre allait bien avec la démarche de mes personnages qui sont toujours en train d’avancer vers la finale, explique-t-elle. Ils pourraient complètement changer de direction, faire le choix de s’en aller, mais ils poursuivent leur chemin de vie menant au plaisir ou à la destruction. C’est très existentiel. »
Pour celle qui n’a jamais eu, dans sa vie, à faire face au syndrome de la page blanche, il importait d’établir un défi dans l’écriture de ce recueil. Ce défi, la tentative de casser le cliché du couple traditionnel en mettant en scène des couples « pas trop amoureux ».
Cela a donné des perles d’histoires comme Exilée sur le sol où le couple est formé d’une jeune voyageuse et d’une vieille dame yougoslave (superbe texte autobiographique), Des mots comme des baisers où un enfant autiste se bat avec les mots qu’il n’arrive pas à prononcer, Du coke et des cigarettes mettant en scène une sœur et son frère schizophrène ou Pilates ou Zumba où le duo est constitué de deux sœurs.
Son souhait ? Qu’Encore temps de rebrousser chemin marque pour l’écriture, mais aussi pour les personnages et la liberté qui leur est donnée, qu’ils soient gentils, délicats ou monstrueux.
« J’aimerais que l’on retienne que chaque nouvelle est un morceau d’écriture différent, que chaque nouvelle donne la permission au créateur de travailler son langage de façon très différente. Oui, il y a un noyau, mais chaque texte doit aussi se ressourcer dans le langage et c’est ce travail sur le langage qui me fait vibrer, comme quand j’allais chez mon ortho. Ce jeu, cet aspect ludique, le plaisir de chaque texte qu’on lit de façon différente. »