Fitzgibbon écorché à nouveau
François Legault laisse quand même son ministre déterminer ses propres règles éthiques
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Le premier ministre François Legault a décidé de passer l’éponge, mardi, sur les nouveaux manquements éthiques de son ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon, qui fixe désormais lui-même des règles déontologiques adaptées à sa situation.
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Pour la deuxième fois en moins de deux mois, la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale Ariane Mignolet a déposé un rapport accablant à propos du ministre vedette du gouvernement.
Le document de 67 pages expose comment M. Fitzgibbon a enfreint plusieurs dispositions du code.
Elle constate par ailleurs qu’il est toujours en situation irrégulière en restant propriétaire d’entreprises dont il aurait dû se départir parce qu’elles l’exposent à des conflits d’intérêts.
Pour cette raison notamment, Mme Mignolet recommande une nouvelle fois à l’Assemblée nationale de réprimander M. Fitzgibbon, qui a été blâmé pour d’autres manquements éthiques il y a moins d’un mois.
Ces nouveaux constats embarrassants ont été rendus publics alors que le gouvernement traversait déjà une journée difficile sur plusieurs fronts.
- Écoutez la chronique de Caroline St-Hilaire à l’émission de Pierre Nantel sur QUB radio:
PAS DE BLÂME
Le premier ministre François Legault est apparu aux côtés de M. Fitzgibbon, mardi. Contrairement au dernier rapport de la commissaire, le gouvernement ne votera pas en faveur d’une nouvelle réprimande.
« On ne pense pas qu’il y a matière, pour une deuxième fois, à blâmer le ministre », a-t-il dit.
Le premier ministre s’est rangé derrière les mesures temporaires que M. Fitzgibbon a personnellement choisi de s’imposer même s’il contrevient toujours au code d’éthique.
« Il y aura vraiment un mur de Chine en attendant de pouvoir ajuster le code d’éthique », a-t-il dit sans préciser les modifications qu’il veut faire.
DES LIENS
Dans son rapport, la commissaire constate que M. Fitzgibbon avait omis plusieurs informations quand il a déclaré quels étaient ses intérêts dans les diverses entreprises auxquelles il est lié.
En les identifiant seulement par les lettres A, B et C, Mme Mignolet a noté que ces trois entreprises avaient des liens, soit avec le ministère de M. Fitzgibbon ou avec Investissement Québec, qui est sous sa responsabilité.
M. Fitzgibbon a plaidé mardi qu’il avait eu de la difficulté à s’en départir. Il s’est fixé des règles éthiques concernant l’une des deux entreprises qu’il détient toujours.
« Toutes les demandes concernant cette entreprise devront être acheminées (...) au Conseil du trésor », a-t-il dit.
Devant cette situation qui pourrait perdurer, Mme Mignolet n’a pas exclu d’intervenir à nouveau dans le dossier.
- Écoutez la chronique politique de Rémi Nadeau, chef du Bureau parlementaire à Québec, sur QUB radio:
Constats de la commissaire
- Il a omis de déclarer qu’une entreprise qu’il détenait avait des liens avec Investissement Québec, même s’il avait obtenu cette information à deux reprises.
- Il a omis de déclarer deux sociétés de gestion lui appartenant.
- Il détient toujours une entreprise qui a des liens avec l’État même si cela contrevient au code de déontologie.
- Il est intervenu auprès d’Investissement Québec au sujet de cette entreprise.
Des réactions
« Si M. Legault avait été dans l’opposition [il] n’aurait pas toléré cette situation. Il serait en train de dire que ça n’a aucun sens. Il n’y a qu’une chose à faire, il faut que le ministre de l’Économie se retire temporairement du Conseil des ministres, le temps qu’il règle ses affaires. »
– Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral
« En 2014, le premier ministre reprochait à PKP de vouloir avoir une loi pour lui, différente de celle qui s’applique aux autres Québécois. À notre tour de poser la question : est-ce qu’il existe maintenant une loi pour le ministre Fitzgibbon et une pour les autres Québécois ? »
– Martin Ouellet, député du Parti québécois
« Ça prend beaucoup de culot pour se moquer des blâmes de la commissaire comme vient de le faire Pierre Fitzgibbon. Il préfère privilégier ses propres avoirs dans des entreprises plutôt que de prendre au sérieux le code d’éthique. »
– Vincent Marissal, député de Québec solidaire