Une version imaginée de Détroit
Écrivaine maintes fois récompensée, Catherine Leroux invite ses lecteurs à la rejoindre dans une version imaginée de Détroit dans son nouveau roman, L’avenir. Par sa plume évocatrice, elle fait plusieurs clins d’œil aux légendes locales ; elle raconte la disparition de deux petites filles, dans une communauté aux allures de fin du monde. Malgré tout, la ville tient bon, et ses habitants gardent espoir.
Catherine Leroux avait-elle pressenti l’ambiance de fin du monde de l’année 2020 en écrivant ? « Certains instincts que j’ai eus ont peut-être un caractère prémonitoire... mais ce qui est intéressant, c’est que la vraie ville de Détroit a quelque chose d’annonciateur. Quand on regarde ce qui s’y passe, ça nous permet un peu d’imaginer ce qui pourrait être le devenir d’autres villes occidentales », commente-t-elle, en entrevue.
L’écrivaine dit qu’un été, elle s’est beaucoup promenée dans les terrains vagues et dans les coins les moins habités de sa ville, en portant attention au développement de la végétation dans ces coins-là.
« Je suis devenue un peu obsédée par ça. Le même été, j’ai découvert un documentaire qui s’appelle Détroit, ville sauvage. C’était dans les années où il y avait beaucoup de reportages sur les lieux abandonnés de Détroit, et d’autres lieux comme Tchernobyl, etc. J’avais ce regard sur Détroit et je me suis rendu compte d’une tout autre dimension de la ville : quand il n’y a plus d’humains, quand il n’y a plus d’activité économique, rapidement, la nature reprend possession des lieux. »
Les gens qui s’y trouvent, continue-t-elle, retrouvent un contact avec la nature. « Il y a véritablement des gens qui font de l’agriculture, en ce moment, à Détroit. C’est le cas depuis plusieurs années. Ça m’avait beaucoup intéressée. »
Langue fictive
Dans ses livres précédents, elle abordait la notion de catastrophe environnementale et, dans celui-ci, elle s’est demandé ce qui se passerait après. À quoi ça pouvait ressembler. « On dirait que Détroit m’apportait une fenêtre sur ça. »
À travers les dialogues de ses personnages, Catherine a créé une langue fictive où se trouvent beaucoup d’éléments propres au français parlé dans le sud de l’Ontario. Elle a fait des recherches spécifiquement sur le sujet.
« Les Franco-Ontariens n’ont pas les mêmes expressions à Ottawa, Toronto ou Windsor, par exemple. Je me suis intéressée spécifiquement au comté d’Essex. Il y a longtemps eu des francophones autour de Détroit et beaucoup de rues portent des noms français. »
Une autre partie est de son cru. « Je suis allée chercher des archaïsmes et j’ai inventé des anglicismes, des calques que je faisais directement d’expressions anglaises. Je me suis amusée avec ça. »
Elle aime tous ses personnages et s’est attachée particulièrement au personnage d’Eunice. « J’ai eu énormément de plaisir avec elle. Tous mes personnages, au fil de l’écriture, ont acquis une certaine noblesse d’âme à mes yeux. Mais elle, elle a ce petit côté piquant et bourru qui est tellement l’fun à écrire ! »
- Catherine Leroux a publié son premier roman, La marche en forêt, en 2011. Il a été finaliste au Prix des libraires du Québec.
- En 2013, elle a publié Le mur mitoyen, lauréat du prix France-Québec. Sa version anglaise a été en lice pour le prix Giller.
- En 2015, elle a publié Madame Victoria, qui a remporté le prix Adrienne-Choquette.
- Elle a également signé plusieurs traductions ; celle du roman Nous qui n’étions rien a reçu le prix du Gouverneur général.