À la conquête des mégafermes chinoises
Une technologie agricole conçue par des Québécois utilisée dans des installations de pas moins de six étages
Coup d'oeil sur cet article
Un entrepreneur de la Nouvelle-Beauce qui a vendu sa technologie dans des mégafermes chinoises a réussi à percer ce marché complexe en imposant ses logiciels au compte-gouttes pour éviter de se faire copier par ses concurrents.
« On est toujours une génération de produit en retard en Chine. Comme ça, s’il y en a un qui se rapproche de notre copie, on arrive avec une nouvelle génération plus efficace, et ils doivent recommencer », lance au Journal Alain Lefebvre, président de Jyga Technologies, à Saint-Lambert-de-Lauzon, sur la Rive-Sud de Québec.
Fondée en 1994, Jyga Technologies a pris sa forme actuelle quand Alain Lefebvre a racheté l’entreprise de huit employés en 2004 pour la transformer en une PME de pointe d’appareils technologiques de plus d’une centaine d’employés.
Aujourd’hui, ses appareils d’alimentation se retrouvent dans une trentaine de pays, dont la Chine, dans les mégafermes de six étages du géant Tianzow ou du Groupe Han Swine, qui possède à lui seul plus de 100 000 truies, soit le tiers du nombre total de truies que l’on retrouve dans l’ensemble du Québec.
« Des copies chinoises, il doit en apparaître cinq par année. Ça dure six mois et elles disparaissent », poursuit Alain Lefebvre, actionnaire de l’entreprise avec son frère Donald, qui compte trois employés là-bas en permanence.
Le génie d’ici victorieux
Alors que de jeunes entreprises québécoises se bousculent à la porte de la Chine pour conquérir ce marché lucratif, Jyga Technologies a réussi à les battre sur leur propre terrain avec son génie québécois.
« Nos cartes électroniques, notre conception et notre développement informatique, tout est fait à 100 % à notre usine de Saint-Lambert. On emmagasine notre savoir ici », explique Alain Lefebvre avec fierté.
Mais la conquête de l’Empire du Milieu ne s’est pas faite du jour au lendemain.
Il aura fallu des années d’essais et d’erreurs avant qu’il réussisse à percer les mystères du pays qui injecte des sommes colossales dans de gigantesques installations pour assurer son autonomie alimentaire.
« Ça a été fait à coup de baluchon. Ça faisait huit ans que l’on travaillait sur la Chine. On s’est rivé le nez. On a recommencé », laisse-t-il tomber. Selon lui, même si la Chine ne manque pas de main-d’œuvre bon marché, sa croissance est tellement rapide qu’elle a constamment soif d’expertise.
Le défi de faire ses preuves
Mais avant d’avoir connu du succès en Chine, en Russie et aux États-Unis, Jyga Technologies a dû faire ses preuves ici, dans un monde où certains étaient frileux à l’idée de faire entrer des outils technos dans leurs porcheries.
« À l’époque, les gens de la communauté agricole trouvaient que les systèmes d’alimentation automatisés avaient l’air d’un produit qui venait de la planète Mars, mais moi, j’ai vu une opportunité là-dedans », se souvient Alain Lefebvre.
À l’époque, il fallait nourrir les truies six à huit fois par jour à la main, ce qui ne laissait pas beaucoup de temps aux éleveurs pour être avec leurs enfants la fin de semaine. Pour régler ce problème, il a choisi l’automatisation.
« On commençait à 5 heures du matin. On finissait à 10 heures du soir », se souvient l’homme d’affaires, lui-même éleveur de porcs. Aujourd’hui, ses systèmes d’alimentation sont fabriqués pour être simples à utiliser.
« Aux États-Unis, nos clients travaillent énormément avec des travailleurs immigrants, qui n’ont parfois pas la chance de savoir lire ou écrire, alors on doit adapter nos équipements », conclut celui qui planche sur de nouvelles machines.
► Jyga Technologies est une entreprise familiale d’Alain Lefebvre, un producteur de porcs de troisième génération avec son frère Donald, de la Ferme Aldo. Les frères Lefebvre ont fait l’acquisition de Jyga Technologies (qui fait le produit Gestal) en 2004.