Les romans préférés de l'acteur Éric Robidoux
Jusqu’au 7 mars, on peut découvrir en ligne le prologue au Roman de monsieur de Molière, avec Éric Robidoux dans le rôle-titre. Et, parlant de titres, il nous livre ici tous ceux qu’il a particulièrement appréciés.
Comme vous incarnez présentement Molière, on aimerait beaucoup savoir laquelle de ses œuvres vous préférez.
Le Misanthrope, pour la lucidité du discours d’Alceste [le personnage central de la pièce] et pour ses emportements contre les excès de complaisance. Alceste n’est pas assez social par rapport aux gens de son temps, alors que les autres le sont trop à la cour. Ce sont des sophistes et ils y vont de paroles complaisantes pour plaire. Alors, dans tout ça, il n’y a personne d’honnête, de sincère.
C’est un tableau satyrique de la société mondaine de l’époque et Alceste offre comme un contrepoint à la langue de bois, au potinage politique. J’aime cette intelligence fine qui part du cœur.
Et de toutes les pièces de théâtre que vous avez lues dans votre vie, quelles sont vos grandes favorites ?
D’abord, il y a Axël d’Auguste de Villiers de L’Isle-Adam, une pièce dans laquelle j’ai joué. En principe, elle dure sept heures, mais on l’a adaptée en deux heures. Elle se lit comme un roman, avec ses 32 personnages qui se répondent à coups de 10 pages. Axël, le héros, refuse toute richesse pour accéder à un monde occulte. Et même s’il aime Sara, il ne veut pas l’embrasser parce que ça ferait mourir leur passion, leur amour. Au lieu de s’embrasser, ils vont donc boire une coupe et se suicider. C’est d’une beauté sans nom. Pour moi, c’est aussi fort que Cyrano.
Vient ensuite Le roi Lear de Shakespeare. Parce qu’il y a une part de folie dans cette tragédie, et parce qu’on est beaucoup dans la nuit. J’aime les œuvres symboliques et ici, c’est comme si l’on accédait à une intelligence supérieure qui n’est pas celle de Dieu, mais celle des astres.
Vous pouvez maintenant nous parler de vos plus gros coups de cœur de ces dernières années ?
- Quelque part de Joséphine Bacon. Joséphine Bacon est l’une de nos plus grandes poétesses au Québec, et je l’apprécie pour la bienveillance de ses textes. Je suis un chasseur et dans ce recueil, elle évoque beaucoup le territoire, son immensité, l’hiver... Moi, ça vient me parler.
- Le seigneur des porcheries de Tristan Egolf. C’est un roman que j’achète, que je lis et que je donne. J’en suis à ma quatrième copie. On suit le personnage principal qui vit dans le Midwest américain, et le rythme de l’écriture est très habile. Mais je ne peux pas en dire trop, il faut se plonger dedans. Un livre à lire pour s’étonner des donneurs de leçons !
- Mémoires et récits de vie de Gabriel Dumont. J’ai lu ça quand j’ai été au Manitoba, et ça raconte toutes les magouilles et frasques, vraies ou fausses, du gouvernement de l’époque. La prise du fort Garry, la résistance des métis, les droits des autochtones... Un récit qui fait le combat de ceux qui ont fondé le Manitoba en 1885.
- La montagne secrète de Gabrielle Roy. Un des plus beaux romans que j’ai lus. Ça m’a viré à l’envers. Les descriptions de paysages qu’il y a là-dedans sont à couper le souffle. C’est une sorte d’hommage à un ami peintre qui va se retrouver dans un lieu qu’il ne voudra plus quitter pour peindre ce qu’il ressent, ses émotions. C’est magnifique.
- Le fusil de chasse de Yasushi Inoué. Dans cette petite plaquette, un homme envoie un poème à une revue de chasse et, à la suite de ça, il va recevoir d’un autre homme trois lettres qui ont été écrites par sa femme, sa maîtresse et sa fille. C’est doux, c’est tendre. On est dans une espèce de brunante.
Tous genres confondus, quel livre a dernièrement réussi à vous captiver d’un bout à l’autre ?
C’est mon livre de chevet, Le livre des haïkus de Jack Kerouac, qui a été publié par son éditeur après sa mort. Kerouac tripait beaucoup sur Lao Tseu et les religions bouddhiques, puis il s’est intéressé à la poésie japonaise. Certains de ses haïkus sont inachevés, mais c’est tellement paisible, beau... Câline que ça m’a transporté !
Est-ce qu’il y en a aussi eu un qui vous a particulièrement ému ?
Le roman de monsieur de Molière de Mikhaïl Boulgakov. Je l’ai lu à 15 ans et je l’ai relu récemment. Je trouve ça beau et émouvant parce que l’histoire de Molière nous vient d’un Russe qui n’est jamais allé à Paris. Tout ce qu’on sait de lui ou presque nous vient de cet homme qui a vécu sous Staline.
Enfin, que comptez-vous absolument lire sous peu ?
Je veux lire La panthère de Stéphanie des Horts. Une amie me l’a offert il y a longtemps et là, il est temps que je le lise.