249 pistolets saisis: un conseiller financier lourdement armé arrêté
L’employé de Desjardins a été arrêté à la frontière avec 249 armes illégales cachées dans cinq sacs de hockey
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Un jeune conseiller du Mouvement Desjardins, qui disait ouvertement vouloir atteindre l’autonomie financière à 40 ans, a été arrêté avec 249 armes de poing prohibées près de sa propriété située à quelques minutes de la frontière canado-américaine, en Montérégie.
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«C’est un bon petit gars qui a travaillé fort, avec ses études à l’université, pour construire sa vie. Il a tout gâché en une journée», a soufflé hier le père du suspect, en retenant ses larmes.
Réputé comme un type sans histoire, William Rainville a été épinglé vendredi dernier lors d’une opération de surveillance frontalière par la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
En fouillant son véhicule et sa remorque, les policiers ont découvert cinq poches de hockey remplies de pièces détachées d’armes à feu.
L’homme de 24 ans, de Sherbrooke, a aussitôt été arrêté sur place, dans le secteur du chemin Beaver, à Dundee, pour importation illégale d’armes à feu.
Il avait d’ailleurs acquis une propriété, il y a près d’un an, sur cette route de campagne qui s’arrête à quelques mètres seulement de la frontière canado-américaine.
Malgré son jeune âge, Rainville est aussi propriétaire de cinq immeubles à Sherbrooke, en Estrie.
- Écoutez la chronique de Félix Séguin au micro de Richard Martineau sur QUB radio:
Diplôme universitaire
Diplômé en finances de l’Université de Sherbrooke, où il a porté les couleurs du Vert & Or en badminton, l’accusé travaillait à la Caisse Desjardins des Deux-Rivières comme conseiller en finances personnelles depuis janvier 2018, selon ses messages sur les réseaux sociaux.
«C’est même lui qui a ouvert mon compte à la [caisse]», rapporte au Journal Rafik Selloum, qui vit dans le triplex de Rainville, où ce dernier habite également, rue Wellington Sud.
Le locataire s’est dit étonné par les événements.
«C’est un gars tranquille, qui s’est toujours concentré sur ses études puis à son travail. Je ne l’aurais jamais imaginé en possession d’armes», laisse-t-il tomber.
En pièces détachées
Rainville était pourtant en possession d’un arsenal à faire peur, selon les informations des policiers.
Sa cargaison contenait 249 armes illégales non assemblées, soit des Glock de type Polymer 80.
- Écoutez l'entrevue avec Jean-Sébastien Houde, armurier et expert en armes à feu sur QUB radio:
Toutes les pièces pour rendre les armes opérationnelles étaient présentes, selon l’Équipe nationale de soutien à l’application de la Loi sur les armes à feu (ENSALA), qui a collaboré à l’enquête.
Selon nos sources, un pistolet du genre peut se vendre jusqu’à 1500 $ sur le marché noir, ce qui laisse croire que les armes saisies valaient ainsi près de 370 000 $.
«Il ne faut pas se leurrer, ces armes viennent des États-Unis. C’est le berceau de la production des armes à feu», fait savoir l’ancien policier André Gélinas.
Détenu
Rainville fait face à de nombreux chefs d’accusation, notamment d’importation d’armes à feu à autorisation restreinte, de possession d’armes à feu prohibées, de possession de dispositifs prohibés et de possession d’armes à feu dans le but d’en faire le trafic.
Le Sherbrookois sans antécédents criminels demeure détenu à la suite d’une objection à sa remise en liberté.
Cette importante saisie survient alors que l’on assiste à une recrudescence des fusillades à Montréal et que des intervenants du milieu s’inquiètent de voir autant d’armes à feu circuler sur le territoire.
– Avec Philippe Langlois, Agence QMI
Enquête nécessaire à l’institution financière, croit un spécialiste
Desjardins doit scruter à la loupe chaque action effectuée à l’interne par son employé coincé avec un arsenal, car il est clair que ces armes étaient destinées au crime organisé, plaide un expert du renseignement policier.
«C’est vraiment inquiétant qu’un individu qui a accès à toutes sortes d’informations sensibles et nominatives, qui peuvent être utilisées à mauvais escient, ait des contacts avec le crime organisé», lance le policier à la retraite André Gélinas.
William Rainville, un employé de chez Desjardins, a été arrêté vendredi en possession de 249 armes de poing prohibées.
Pour le crime organisé ?
Adresse personnelle, occupation, rythme de vie, dossier de crédit : les informations personnelles que les employés d’institutions financières détiennent et peuvent partager avec des personnes malhonnêtes sont multiples, rappelle l’ancien enquêteur.
«Et ces armes-là, c’est clair qu’elles se destinent aux gangs de rue, aux motards ou à la mafia. On ne verra jamais quelqu’un d’honnête acheter ça parce que, d’abord, ce n’est pas donné. C’est moins cher d’en acheter légalement», insiste M. Gélinas, qui a longtemps œuvré aux renseignements criminels à la police de Montréal.
Selon lui, deux raisons peuvent motiver un individu sans histoire à s’impliquer dans de telles activités criminelles : l’appât du gain ou la coercition.
Monsieur Tout-le-Monde
«Je me doute qu’il n’a pas pris un tel risque juste pour le thrill», dit-il, ajoutant qu’un jeune homme éduqué, sans antécédent judiciaire, représente quand même le profil d’une mule parfaite.
«Comme un Monsieur-Tout-le-Monde qui n’attire pas l’attention», explique-t-il.
L’enquête de la Gendarmerie royale du Canada permettra d’en savoir davantage sur la provenance de ces armes, mais aussi vers qui elles étaient destinées. D’ici là, près de 250 armes à feu sont retirées du marché, évitant ainsi de possibles drames, se réjouit M. Gélinas.
«Chaque arme a un potentiel d’être utilisée, ce n’est pas un objet banal. Une arme est utilisée pour se protéger et pour tuer», conclut-il.
Desjardins n’a pas fait de commentaires sur l’arrestation du conseiller en finances personnelles hier, mais a confirmé qu’il avait été suspendu.