Charles Yonkeu Ndjiya: il répondait toujours présent
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Un dévoué préposé aux bénéficiaires qui cumulait les « doubles » est mort du coronavirus après avoir partagé son temps entre cinq établissements, dont deux en éclosion.
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Même en temps normal, il n’était pas rare que Charles Yonkeu Ndjiya, 49 ans, ajoute un quart de nuit après celui de soir à l’Hôpital chinois de Montréal, où il travaillait depuis 2015.
« Charles était loyal dans tous ses engagements, y compris au travail », souligne sa veuve, Nino Rosine.
Et au début de la pandémie, avec la pénurie criante de personnel, son téléphone n’arrêtait pas de sonner.
Le préposé a ainsi travaillé dans quatre autres CHSLD, à la demande du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, et cumulé les « doubles » du 25 mars au 7 avril dernier.
Il aurait été infecté au centre d’hébergement Yvon-Brunet ou au Manoir-de-Verdun, tous deux aux prises avec des éclosions lors de son passage.
Le 8 avril, son test de dépistage est revenu positif et la vie s’est arrêtée.
De mal en pis
Durant ses premiers jours alité à la maison sous l’œil attentif de sa femme et de ses quatre fils, Charles Yonkeu Ndjiya avait surtout de la fièvre et de la toux.
« Beaucoup de toux, se rappelle Mme Rosine. Le moindre de ses malaises déstabilisait tout le monde. »
Elle lui a concocté du riz réduit en purée, de la soupe et du gombo, un plat originaire de leur Cameroun natal, en Afrique, dans l’espoir qu’il prenne du mieux.
- Écoutez la journaliste Nora Lamontagne ici
Sentant son état s’aggraver, une infirmière de la ligne d’appel COVID a décidé d’appeler une ambulance pour lui le 18 avril.
Mme Rosine a eu le droit de voir son époux une fois pendant les cinq semaines qu’il a passées aux soins intensifs du Centre universitaire de santé McGill. C’était à travers une fenêtre, « à l’heure de tout débrancher ». Le 21 mai 2020.
Un immense vide
Les premiers jours suivants ont été extrêmement durs pour la mère des garçons âgés de 8 à 16 ans, et enseignante au primaire.
« Je me sentais comme assommée, devant un mur », murmure celle qui chante souvent la chanson Un jour à la fois, de Renée Martel, pour se redonner courage.
Mme Rosine s’ennuie du souci constant de son mari pour sa famille, tant proche qu’élargie.
C’est lui qui avait fait venir sa mère âgée du Cameroun, qui allait accompagner les enfants à l’école le matin, qui les emmenait à la bibliothèque la fin de semaine, qui avait appris au plus jeune à écrire en lettres attachées.
Lui, avec qui elle est arrivée au Québec en 2011, à la recherche d’un peu de stabilité. Son homme se plaisait ici, même s’il était frileux, dit-elle avec un sourire dans la voix.
Le couple était d’ailleurs à la recherche d’un nouveau chez-soi bien à lui avant le début de la crise sanitaire.
« On n’était plus de passage, on avait choisi de rester. »
– Avec Andrea Valeria, Agence QMI