Violence conjugale: pluie d’accusations devant les tribunaux
En seulement cinq ans, le nombre de dossiers de violence conjugale a bondi de 45%
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Le nombre d'accusations reliées à la violence conjugale a explosé de 45 % depuis cinq ans au Québec en raison d'une augmentation de ce fléau, mais aussi grâce à une plus grande conscientisation, selon des experts.
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Depuis 2015, le nombre d’accusations criminelles devant les tribunaux de la province est passé de 11 476 dossiers à 16 676 en 2020, soit 45,31 % de plus, selon des données du ministère de la Justice obtenues par Le Journal.
- Écoutez la porte-parole de l'Alliance des maisons d'hébergement de 2e étape, Gaëlle Sedida avec Benoit Dutrizac sur QUB Radio:
Cela regroupe notamment des chefs de harcèlement, de menaces, d’agression sexuelle, d’homicide, de voies de faits déposés dans un contexte de violence conjugale.
Certains palais de justice enregistrent des hausses considérables, comme à Joliette, par exemple, où le nombre d’accusations a augmenté de 612,5 % en cinq ans, ou encore à Granby (+216,47 %), à Saint-Joseph-de-Beauce (+150 %) et à Salaberry-de-Valleyfield (+162,43 %) pour ces mêmes périodes.
- Écoutez la chronique judiciaire de l’ex-juge Nicole Gibeault à QUB radio
Facteurs
Pour Catherine Rossi, professeure à l’École de travail social et de criminologie à l’Université Laval, plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour comprendre ces chiffres.
« D’abord les femmes aussi sont de plus en plus informées de ce qu’est la violence conjugale, qui commence avant les coups. Elles sont beaucoup moins tolérantes face à la violence et au contrôle, explique-t-elle. Et on a aussi une prise de conscience judiciaire, le personnel de justice est plus sensible [à la question de la violence conjugale]. »
« Mais il ne faut pas non plus oublier les causes réelles de cette augmentation, c’est simplement la hausse de la violence conjugale », ajoute-t-elle.
Encore hier, une femme de 29 ans s'est retrouvée dans un état critique après avoir été battue par son conjoint à LaSalle, à Montréal.
Vendredi, Nadège Jolicœur a été tuée par son conjoint dans un taxi à Montréal, le 6e féminicide en moins de deux mois.
Pandémie
Dans la dernière année, cette hausse s’explique aussi par la pandémie en 2020, indique-t-elle.
Entre 2019 et 2020, les dossiers d’accusations criminelles ont augmenté de 8,7 % pour l’ensemble du Québec. Certaines régions se démarquent tristement en accusant des augmentations de 90 % (Granby), 51 % (Laval) et 25 % (Québec) durant cette période.
Pour Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, ces chiffres ne représentent que la pointe de l’iceberg.
« Il y a vraiment un angle mort au niveau des cas réels de violence conjugale, on n’a vraiment pas le portrait de la situation », déplore Mme Monastesse, qui s’inquiète d’une recrudescence des appels dans les maisons d’hébergement et à SOS violence conjugale, démontrant une « situation critique ».
De son côté, Normand Brodeur, professeur à l’École de travail social et de criminologie à l’Université Laval, indique que les organismes qui viennent en aide aux hommes aux comportements violents croulent aussi sous les demandes.
– Avec Sarah Daoust-Braun et Philippe Langlois
Dossiers ouverts par année
*Quelques régions présentées seulement Source ministère de la sécurité publique
Si vous êtes victime de violence conjugale, contactez SOS Violence conjugale au 1 800 363-9010 / consultez le https://sosviolenceconjugale.ca/fr
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