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Déconfinement: du houblon, des rires et des larmes

Le Saint-Bock a exceptionnellement ouvert sa terrasse dès 8h hier pour célébrer ce début de normalité

GEN - TERRASSE DU BAR LE SAINT-BOCK
Photo Martin Alarie Le propriétaire du Saint-Bock, Martin Guimond, jubilait malgré la fatigue, hier, à l’ouverture de sa terrasse­­­.

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À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.


Normalement, on va veiller sur les terrasses. Hier matin, certains joyeux lurons comme moi ont résolu de s’y réveiller.

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Avec l’ambition de servir la première bière en terrasse à Montréal depuis 139 jours de fermeture forcée, la brasserie Saint-Bock sur Saint-Denis ouvrait la sienne pour prendre les commandes de bière dès la première seconde où ça devenait légal, à 8 h.

Une quinzaine de biérophiles matinaux se sont présentés avant qu’il soit 9 h malgré une température plus automnale qu’estivale de 7 degrés Celsius.

« Je suis arrivé de Sorel hier soir avec l’idée de dormir en ville afin d’être sur la terrasse du Saint-Bock dès 8 h », raconte Frédéric Boivin, pinte à la main et sourire aux lèvres. 

« Les Québécois sont écœurés d’être dans la maison, surtout les Montréalais, et c’est important de donner un coup de pouce aux microbrasseries », soutient la Montréalaise Natacha Baijo pour expliquer sa présence si matinale.

Tous les clients qui savourent leur bière sont en quelque sorte venus appuyer une cause en se présentant si anormalement tôt dans un centre-ville encore spectaculairement désert. 

Marc-André Bellefeuille est descendu de Repentigny pour encourager une microbrasserie qu’il aime.
Photo Martin Alarie
Marc-André Bellefeuille est descendu de Repentigny pour encourager une microbrasserie qu’il aime.

Un habitué du Saint-Bock, Marc-André Bellefeuille, s’est levé de bonne heure pour sauter dans son auto à partir de Repentigny.

« Je voulais être là à 8 h pile, mais j’ai eu quelques minutes de retard parce qu’il y avait un peu de trafic », m’explique-t-il.

Comme aucun client n’était encore sur les lieux à 8 h pile, j’ai eu l’honneur d’être le premier Montréalais à siroter une bière en terrasse : une IPA de style Nouvelle-Angleterre (qui sera la grosse mode cet été soit dit en passant) appelée Wow. 

Précision : c’est une bière sans alcool qui m’a tenu lieu de déjeuner liquide. Ainsi, non seulement j’évitais d’effaroucher mon employeur, mais l’honneur de la première bière alcoolisée servie légalement en terrasse à Montréal a pu revenir à un « vrai » client. 

Pierre Bausière et Alexandre Theve ont reçu des « certificats » fantaisistes pour attester qu’ils étaient les premiers à boire légalement une bière en terrasse à Montréal en 2021.
Photo Martin Alarie
Pierre Bausière et Alexandre Theve ont reçu des « certificats » fantaisistes pour attester qu’ils étaient les premiers à boire légalement une bière en terrasse à Montréal en 2021.

Ce sont deux collègues de travail Lillois, du nord de la France, une zone qui est prisée pour sa bière, située près de la Belgique, qui se sont régalés des premières pintes régulières. 

« Nous sommes de grands habitués des terrasses et on s’est dit que ce serait l’fun de fêter la réouverture dès le matin », m’explique Alexandre Theve, l’un d’eux.

Heureux, mais exténués

Dans le visage du propriétaire du Saint-Bock, Martin Guimond, comme dans celui de son maître-brasseur, Philippe Tremblay, se manifestait une grande joie, mais aussi une immense fatigue.

La veille, en entrevue au téléphone, M. Guimond pleurait en me racontant sa lassitude après plusieurs mois à se démener jusqu’à 80 heures par semaine pour lancer une nouvelle marque de bière sans alcool, appelée Bazaar, et à s’endetter pour ne pas avoir à fermer. 

Il estime qu’il en aura pour 10 ans à rembourser le quelque demi-million $ de dettes supplémentaires contractées pendant la pandémie.

« Les gens disent : j’ai hâte de voir mes amis. Eh bien, moi, j’ai juste hâte d’être tout seul ! J’ai juste hâte d’aller m’enfermer, pis de prendre des vacances parce que j’ai pas pris de journées de vacances depuis un an et demi. »

MM. Guimond et Tremblay font penser à des marathoniens qui ont besoin d’un deuxième souffle.

« On se retrouve à une nouvelle ligne de départ, mais on est déjà brûlé ben raide », résume le brasseur.

Au moment de servir un de ses premiers clients, M. Guimond a eu un moment d’émotion et quelques larmes. 

Alors, oui, il y avait de la joie, le matin de la réouverture des terrasses, mais l’amertume n’était pas seulement dans la bière.

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