Restes d’enfants autochtones: une découverte qui ébranle le Canada
Justin Trudeau s’est dit «consterné», lundi, par les découvertes des restes de 215 enfants autochtones dans une fosse commune sur le site d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique. L'affaire trouve toutefois des échos dans la classe politique d'un bout à l'autre du pays, alors que les drapeaux se mettent en berne les uns après les autres.
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«En tant que père, je ne peux imaginer ce que cela me ferait de me faire enlever mes enfants. Et en tant que premier ministre, je suis consterné par la politique honteuse qui a arraché les enfants autochtones à leurs communautés», a lancé M. Trudeau.
Le premier ministre a ordonné dimanche la mise en berne des drapeaux canadiens de tous les édifices fédéraux du pays jusqu’à nouvel ordre, en mémoire des 215 enfants morts issus de la Première nation Tk’emlups te Secwepemc en Colombie-Britannique.
«Malheureusement, ce n’est ni une exception ni un incident isolé, a-t-il ajouté. Nous n’allons pas nous en cacher. Nous devons reconnaître la vérité. Les pensionnats indiens étaient une réalité - une tragédie qui existait ici, dans notre pays, et nous devons l'admettre.»
Une rencontre entre les ministres fédéraux aura lieu en après-midi pour discuter des prochaines étapes à prendre dans ce dossier, a annoncé le premier ministre.
Dans son budget de 2019, le gouvernement Trudeau proposait la création d’un registre national des décès dans les pensionnats autochtones et des cimetières reliés, en plus de commémorations. Cette initiative s’accompagnait d’une enveloppe de 33,8 millions $ sur trois ans à compter de 2019-2020.
Le bureau de la ministre Caroline Bennet, responsable des relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, n’a pas retourné nos demandes d’informations concernant le progrès réalisé à travers cette initiative.
Dans le cas de la fosse commune sur le site de l’ancien pensionnat de Kamloops, le financement pour la recherche qui a mené à la découverte est provenu du gouvernement provincial.
«Je sais que ces derniers jours ont été un peu un éveil pour beaucoup de Canadiens non autochtones qui oui, connaissaient qu’il y avait des écoles résidentielles, mais ne comprenaient pas c’était horrifique, cette réalité que vivaient des enfants autochtones, leur famille et leurs communautés», a soutenu le premier ministre.
- Écoutez l'analyse de Caroline St-Hilaire et d'Antoine Robitaille avec Benoit Dutrizac sur QUB Radio:
Les élus fédéraux ont tenu une minute de silence en Chambre vendredi dernier, jour de l’annonce de la découverte.
Un débat d’urgence réclamé
Le chef du NPD Jagmeet Singh a réclamé un débat d’urgence en Chambre à ce sujet, dans un point de presse émotif plus tôt lundi. Les discussions auront finalement lieu mardi, le président de la Chambre ayant refusé la tenue du débat d’urgence.
«Lors de ce débat d’urgence, je veux que l’on prenne la mesure de ce que [cette découverte] veut dire», a déclaré M. Singh, lundi matin, pour qui la nouvelle n’est «pas une surprise».
Le Canada doit faire des «choix difficiles à la lumière de ce génocide», a argumenté Jagmeet Singh, sur la manière dont il entend «remédier à cette injustice».
Questionné sur l’emploi du terme «génocide» pour décrire le traitement subi par les Premières nations, M. Singh n’a pas hésité. «Il y a clairement eu des systèmes en place conçus pour les tuer», a-t-il déclaré. L’expression «génocide» est l’expression employée dans le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et dans l’Enquête sur les femmes ou les filles autochtones disparues et assassinées.
Le chef néodémocrate demande notamment au gouvernement fédéral de lancer une enquête sur les sites de l’ensemble des pensionnats autochtones au pays, «parce que la triste réalité est que ce n’est pas le dernier site. Il y en a d’autres qui ont été trouvés et encore bien d’autres qui seront trouvés».
M. Singh demande aussi à Ottawa d’arrêter les procédures judiciaires contre des enfants et des survivants des pensionnats autochtones qui se battent pour recevoir une indemnisation. Ottawa a déboursé plus de 3 milliards en indemnisations, selon un rapport du comité de surveillance de tout le processus d’indemnisation au début du mois de mai.
Le chef conservateur Erin O’Toole a partagé son désarroi sur Twitter. «Comme parent, je ne peux imaginer la douleur de ces 215 familles et pour la communauté. Cette découverte tragique est aussi douloureuse pour les innombrables survivants qui ont été soumis aux pensionnats en tant qu'enfants autochtones. Ce chapitre n'est pas clos et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir pour parvenir à une véritable réconciliation pour ces actes odieux», a-t-il déclaré.
M. O’Toole demande aussi l’accélération de la réalisation des recommandations liées aux enfants disparus issues du rapport sur la Vérité et réconciliation, ainsi que l’adoption du projet de loi C-8.
Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet a manifesté sa solidarité à Perry Bellegarde, chef de l'Assemblée des Premières nations. «Je ne me sens pas apte à imaginer toute la douleur d’une nation, de toutes les Premières nations, exposées à un tel drame, une telle tragédie. Puissiez-vous trouver la sagesse et le courage de demeurer dignes, fortes et éternelles. Mes pensées sont avec vous.»
Montréal et Québec de la partie
La découverte en Colombie-Britannique a un écho grandissant d’un bout à l’autre du pays. Plusieurs provinces, de la Colombie-Britannique à la Nouvelle-Écosse en passant par l’Ontario, ont averti de la mise en berne de leur drapeau.
À Québec, le premier ministre François Legault a annoncé faire de même lundi avec le Fleurdelisé qui trône sur l’Assemblée nationale. «N’oublions jamais cet épisode douloureux de notre histoire. Mes pensées accompagnent l’ensemble des peuples autochtones du Canada», a-t-il écrit sur Twitter lundi.
La mairesse de Montréal Valérie Plante a fait de même avec le drapeau montréalais à l’Hôtel de Ville dimanche. «Je suis consternée devant la découverte de 215 enfants enterrés sur le site d'un ancien pensionnat autochtone. Bien entendu, j'envoie mes pensées à la communauté des enfants, la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc, qui est ébranlée par cette nouvelle», a-t-elle annoncé.
À Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, les élus municipaux ont décidé lundi de retirer du centre-ville une statue de John A. MacDonald, premier ministre de l’histoire du Canada dont le nom est lié à la création des pensionnats indiens.