Après le Rwanda, enquête sur les pensionnats ?
Une coalition d’avocats appelle la justice internationale à enquêter sur un crime contre l’humanité
OTTAWA | Après s’être penchée sur les massacres de l’ex-Yougoslavie et du Rwanda, la Cour pénale internationale devrait s’intéresser aux enfants morts dans les pensionnats autochtones canadiens, d’après une coalition de 15 avocats.
• À lire aussi: Ils témoignent de l’horreur des pensionnats
• À lire aussi: Pensionnats autochtones: Trudeau sermonne l’Église catholique
Le groupe a adressé une lettre à la Cour pénale internationale (CPI) pour lui demander d’enquêter sur la mort de 215 enfants au pensionnat autochtone de Kamloops, en Colombie-Britannique, pour déterminer s’il s’agit d’un crime contre l’humanité.
Ces crimes sont « des violations graves commises dans le cadre d'une attaque à grande échelle contre toute population civile ». Ils regroupent notamment le meurtre, le viol, l'emprisonnement et les disparitions forcées.
Pour Me Branden Miller, qui dirige la coalition, le drame de Kamloops répond à cette définition et la CPI a compétence pour agir, car ce crime a été commis en sol canadien par des agents du Vatican avec la complicité de l’État.
« Le gouvernement canadien était parfaitement au fait de ces violations des droits humains – documentées depuis des années », souligne Amnistie internationale Canada.
La CPI entreprend des poursuites lorsque les pays ne veulent ou ne peuvent pas le faire. Elle a notamment le pouvoir de contraindre les parties à divulguer toutes les informations et tous les documents relatifs à l'enquête, ce que l’État canadien et l’Église refusent de faire depuis des années.
PROCÉDURE SOUHAITABLE ?
Frédéric Mégret, codirecteur du centre sur les droits de la personne et le pluralisme juridique à l’Université McGill, doute toutefois qu’une procédure devant la CPI soit possible ou souhaitable.
« En droit canadien, tuer quelqu’un a des conséquences criminelles. Le premier réflexe doit être de traiter l’affaire sous l’égide du Code pénal canadien. Ce serait infiniment moins compliqué », explique-t-il.
« Une enquête criminelle doit être menée pour que l’on sache qui sont ces enfants, quand et comment ils sont morts et qui est responsable de leur mort », renchérit l’historienne Emma Anderson, du Département des études classiques et religieuses de l'Université d'Ottawa.
M. Mégret met toutefois en garde contre la recherche de culpabilités individuelles dans ce dossier, car « on risquerait de passer à côté du caractère systémique du problème et de la responsabilité collective ».