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2 ans d’attente en orthophonie: des séquelles à prévoir chez les petits

Les délais pour consulter un orthophoniste au Québec ont bondi depuis la pandémie de COVID-19

Cassandra Gagné-Fortier prend son mal en patience en attendant d’obtenir un rendez-vous avec un orthophoniste pour son fils de deux ans, Victor Hallé, qui traîne un retard de langage. Elle patiente depuis le mois d’août dernier.
Photo Didier Debusschère Cassandra Gagné-Fortier prend son mal en patience en attendant d’obtenir un rendez-vous avec un orthophoniste pour son fils de deux ans, Victor Hallé, qui traîne un retard de langage. Elle patiente depuis le mois d’août dernier.

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Les listes d’attente en orthophonie ont atteint des sommets au cours de la pandémie, autant au public qu’au privé, et des spécialistes craignent maintenant que ces délais interminables laissent des séquelles irréversibles dans le développement des enfants. 

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« Déjà, avant la pandémie, les listes d’attente dans le réseau de la santé étaient entre un an et 18 mois, mais maintenant, on anticipe que c’est encore plus », s’attriste le président de l’Ordre des orthophonistes et des audiologistes du Québec, Paul-André Gallant, qui n’est pas en mesure encore de chiffrer avec précision cette hausse. 

On sait par contre que les délais peuvent atteindre le cap des deux ans dans certains centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS). 

« Il y a des enfants qui sont référés avant de commencer l’école et quand je les vois enfin, leur première année est bien entamée », dénonce une orthophoniste qui travaille dans le réseau de la santé à Montréal. 

Si elle a requis l’anonymat, cette spécialiste du langage tenait à souligner que les enfants sur la liste d’attente pourraient connaître des difficultés sur le plan scolaire à cause de problèmes qui n’ont pas été traités à temps. 

De quoi sérieusement inquiéter de nombreux parents, telle Cassandra Gagné-Fortier, dont le fils de deux ans attend depuis près d’un an pour des services (voir plus bas). 

Cassandra Gagné-Fortier prend son mal en patience en attendant d’obtenir un rendez-vous avec un orthophoniste pour son fils de deux ans, Victor Hallé, qui traîne un retard de langage. Elle patiente depuis le mois d’août dernier.
Photo Didier Debusschère

Même au privé

Avant, des parents pouvaient se tourner vers le privé, où les délais se comptaient en semaines plutôt qu’en mois. Or, la pression sur le réseau public a pris des proportions telles durant la pandémie qu’elle est en train de faire tache d’huile sur les cliniques privées. 

« Ça fait plusieurs mois que je ne prends plus de nouveaux patients, car l’attente dans certains cas est rendue à un an », se désole Cédric Maguin, de la clinique Orthophonie Montréal.

Pénurie dans les écoles 

Œuvrant à temps partiel en milieu scolaire, M. Maguin a la conviction qu’une bonne partie du problème ne découle pas seulement de la pandémie. Le manque d’orthophonistes dans les écoles se fait sentir tant au public qu’au privé.

« Les orthophonistes dans les écoles ont toujours eu le temps de ne s’occuper que des cas sévères, mais maintenant, on en est à sélectionner les plus sévères parmi les sévères », déplore l’orthophoniste, qui croit dur comme fer que les conditions de travail dans les écoles ne sont pas assez attrayantes.  

Des parents laissés à eux-mêmes     

Face à des délais jugés déraisonnables, des parents désespérés ne savent plus à quel saint se vouer pour avoir accès à une orthophoniste. 

Éliane Chaput a réussi à avoir de la place dans une clinique privée pour sa fille de trois ans, juste avant que la situation n’y devienne également critique.

« Une chance qu’on est allés au privé à l’automne, car sinon, ma fille n’aurait pas eu droit à des services spécialisés à son CPE. Elle serait rentrée à l’école sans avoir eu d’aide », s’insurge la Montréalaise, dont la fille est atteinte de dyspraxie verbale, un trouble neurologique qui nuit à la prononciation. 

Mme Chaput a demandé de l’aide quand sa petite n’avait que 13 mois. Mais après près d’un an et demi d’attente, elle n’avait eu droit qu’à une évaluation pour sa fille et à une formation pour les parents. 

« On me disait que ça allait prendre encore un an pour que le suivi commence vraiment », se souvient cette professeure de cégep, qui pouvait se permettre d’avoir recours au privé grâce à son régime d’assurance. 

Trop coûteux 

Infirmière dans la région de Québec, Cassandra Gagné-Fortier a moins de chance de ce côté. Après avoir déboursé 160 $ pour un premier rendez-vous, son conjoint et elle ont tranché qu’ils n’avaient pas les moyens de se rabattre sur le privé pour leur fils de deux ans. 

Ils prennent donc leur mal en patience et espèrent un téléphone d’ici la fin de l’été. 

« Ça va faire un an en août qu’on attend, alors qu’on sait que plus on attend, plus ça risque d’empirer », s’inquiète Mme Gagné-Fortier, qui constate que son garçon traîne un retard de langage. 

Les parents semblent d’ailleurs plus alertes aux problèmes de langage de leurs enfants depuis le début de la pandémie : un facteur qui n’est pas à négliger pour expliquer l’explosion du temps d’attente, selon l’orthophoniste Cimon Chapdelaine. 

« Beaucoup de parents ont passé plus de temps avec leur enfant pendant le confinement et ont constaté certains problèmes qu’ils n’auraient peut-être pas remarqués sinon. »

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