L’aventure d’apprendre à nager pour un adulte
Notre chroniqueur a sauté dans l’eau avec des adultes qui ont résolu d’enfin apprendre à nager
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À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
L'eau profonde les effrayait, ce moment où les pieds ne frôlent plus le fond de la piscine. Mais deux femmes qui désiraient enfin se sentir en confiance sur l’eau suivent à Montréal des cours de natation destinés aux adultes.
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Juste à côté de l’effervescence de l’omnium de tennis mercredi dernier, Akimana Alphonsine et Nadyne Dorméus relèvent un tout autre exploit sportif dans la piscine du parc Jarry : elles apprennent à nager.
Âgée de 28 ans, Akimana Alphonsine, une étudiante en soins infirmiers originaire du Burundi en Afrique, n’avait jamais mis sa tête dans l’eau avant son premier cours en juillet.
«Même me tenir debout dans la partie peu profonde, j’avais peur», confie-t-elle.
Quant à Nadyne Dorméus, une enseignante au primaire de 42 ans, née à Haïti, mais installée au Québec depuis l’enfance, elle suit ce cours de base afin d’enfin dompter sa peur de l’eau profonde.
«Je veux parvenir à faire des longueurs de crawl pour m’entraîner», dit elle.
Je peux lire dans son regard qu’elle va tenir parole.
« J’avais eu une initiation au cégep il y a 25 ans, puis j’ai arrêté et oublié, mais cette fois, je vais aller jusqu’au bout », promet-elle.
Partir de zéro
La monitrice de natation Sharon Amanda me raconte que certains de ses élèves sont d’une inexpérience totale. «J’en ai eu qui avaient peur de mettre leurs pieds dans l’eau assis sur le bord de la piscine.»
Mme Amanda travaille pour Sports Montréal, un OBNL qui favorise l’activité physique principalement dans l’arrondissement Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension.
«Notre organisme offre des cours de niveau 1 depuis une trentaine d’années», m’explique Alfonso Munoz, le coordonateur des activités physiques aquatiques de l’organisme.
Goût d’apprendre
Akimana et Nadyne, respectivement originaire d’Afrique et d’Haïti, représentent une tendance socioculturelle indéniable. «Sur un groupe de dix dans un cours de niveau 1, huit ou neuf sont d’origine africaine ou haïtienne», confirme M. Munoz.
En entrevue au Journal de Québec, la nageuse olympique Naomy Grand-Pierre déplorait en 2016 le fléau des noyades en Haïti : «On évalue à seulement 1 % la population d’Haïti qui sait nager. Chaque famille peut dire qu’un cousin, un oncle ou un frère s’est noyé.»
Une fois établis dans un pays où la natation fait partie des moeurs, beaucoup d’immigrants souhaitent apprendre.
«Au Burundi, je n’ai jamais ressenti le besoin de nager, raconte Akimana. Mais au Québec, c’est le sport préféré de plusieurs de mes bons amis, alors j’ai décidé de tenter l’aventure!»
Sharon Amanda me raconte que c’est un plaisir d’enseigner à ces adultes, surtout que plusieurs ont longtemps gardé une crainte de l’eau. « Je les vois sauter dans l’eau pour la première fois et ils en sont fiers. Pour eux, c’est un exploit, on voit l’enfant qui ressort en eux.»
Lorsque j’observe Nadyne nager le crawl, j’ai l’impression qu’entre le début et la fin du cour, elle s’est déjà améliorée. Ses mouvements saccadés et maladroits au début se sont déjà assouplis. Il n’y a donc pas que les enfants qui apprennent vite !