Je veux encore être un artiste: ils travaillent toujours avec bonheur à plus de 70 ans
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Ils ont eu une carrière prospère et ont atteint un âge vénérable où ils pourraient choisir d’arrêter de travailler. Ils souhaitent pourtant continuer à créer. À 75 ans, Shirley Théroux s’apprête à monter sur scène pour célébrer ses 50 ans de carrière, Marie Tifo (72 ans) et Pierre Curzi (75 ans) tournent au cinéma, Paul Daraîche et Renée Martel (74 ans) lanceront un album et une tournée dans la prochaine année, Louise Turcot enseigne, écrit et joue, et Gilles Renaud s’apprête à tourner dans une 40e série télévisée. Portrait d’artistes qui ne laissent pas leurs 70 ans et quelques poussières les arrêter.
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Jocelyne Robert a écrit son livre Vieillir avec panache en pleine pandémie. Que sa version audio soit narrée par Marie Tifo n’est pas un hasard; son livre donne certainement envie aux artistes — comme aux gens âgés du grand public — de continuer à être actifs et à « rester accrochés à la vie ».
« J’ai rencontré des artistes, je pense notamment à Louise Deschâtelets, et on m’a dit que mon livre faisait du bien, explique l’autrice. J’y donne des exemples de gens connus, mais aussi des exemples de gens de mon entourage qui ont 75-80 ans et qui sont formidables. Pour que les gens sentent que c’est possible, qu’on ne meurt pas à 70 ans. On est toujours dans la vie et dans la sphère du vivant. »
« C’est universel, cette peur de la vieillesse, ce sentiment qu’on doit aller un peu dans l’ombre, se retirer, poursuit-elle. Il faut qu’on comprenne qu’on occupe une place jusqu’à la fin de sa vie et qu’on a le droit de continuer à occuper cette place-là, que l’on soit vendeur, comptable, chanteur, poète, écrivain ou informaticien ! On peut s’approprier tous les droits que nous offre la vie, jusqu’à la fin de sa vie. »
Une vision que partage Jean Carette, premier vice-président de l’AQDR (l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et pré-retraitées).
La retraite n’existe pas pour les artistes
« Il y a environ un million deux cent mille retraités au Québec et 100 000 de plus par année, explique celui qui voit la culture comme un outil de développement. Vous imaginez le gâchis que ça représente de ne pas utiliser ces gens-là comme mentors, comme conseillers, orienteurs, confidents ou socialisateurs ? Et en particulier les artistes qui sont des gens pour qui la retraite n’existe pas ! Il faut distinguer l’emploi et le travail ; les gens qui ont du plaisir à travailler toute leur vie sont des gens qui n’auront pas envie de prendre leur retraite. »
En 2019, l’Union des artistes comptait 6000 membres actifs générant un revenu. De ces membres actifs, 689 étaient âgés de 70 à 79 ans et parmi eux, ils étaient 326 membres actifs à avoir généré un revenu moyen de 10 653 $. Deux artistes avaient même plus de 100 ans !
« Je trouve extraordinaire que des artistes plus âgés aient encore envie de travailler, affirme la présidente de l’Union des artistes, Sophie Prégent. On dit toujours que les artistes ne vieillissent pas, et ça semble le cas. »
Si beaucoup de gens âgés de 70 ans et plus continuent d’être membres de l’UDA sans nécessairement continuer de travailler – Michel Côté, par exemple, a récemment parlé publiquement de son désir de se retirer –, d’autres, comme le comédien Marc Messier, affirment toujours trouver du plaisir dans le travail. Le milieu du doublage serait aussi un terreau fertile pour les acteurs de cette tranche d’âge.
Une génération active!
« Ces artistes québécois qui ont entre 70 et 80 ans font partie d’une génération qui est encore très active, poursuit la présidente. On parle des Gilbert Sicotte, Claude Meunier, France Castel, Pierre Bruneau, Michèle Deslauriers, Gaston Lepage... Ils sont tous beaux ! Cela me donne le goût de sourire et je me dis qu’il y a toutes sortes de 70 ans et plus. »
La vieillesse reste toutefois un sujet délicat pour plusieurs artistes. Si certains prennent la parole, d’autres préfèrent éviter de l’aborder, comme c’était le cas pour Andrée Lachapelle. « Moi non plus – et je n’ai pas 75 ans –, je ne parle pas de mon âge, poursuit Sophie Prégent. Pourquoi ? Parce que je sais qu’à mon âge est associée une image à laquelle je trouve que je ne corresponds pas. Forcément, on vit avec cela. »
« Toute notre vie, on va rencontrer des stéréotypes, et souvent, les artistes essaient de vendre autre chose que les stéréotypes, poursuit-elle. Un acteur comme Pierre Curzi va se dire : c’est moi qui le joue, c’est moi qui vais l’interpréter avec ce que je suis comme homme de 75 ans. Donc, il importe à cet artiste-là de montrer une autre couleur de ce que peut être un individu de 75 ou 76 ans, et je trouve cela beau. »
Renée Martel, 74 ans et Paul Daraîche, 74 ans
- 69 ans de carrière
- 56 ans de carrière
À 74 ans, Paul Daraîche a vu la pandémie annuler plus de 40 spectacles de sa dernière tournée. Un moment d’arrêt difficile pour l’artiste en tournée depuis... 56 ans ! Au même âge (ils sont nés le même jour de la même année), Renée Martel s’est accrochée à leur projet d’album et de tournée en duo lorsqu’on lui a diagnostiqué un cancer. Les deux artistes l’affirment haut et fort : l’amour de la musique leur a sauvé la vie.
« Chanter, c’est ce que j’ai aimé faire et c’est la seule chose que j’ai faite dans ma vie, affirme Renée Martel tout sourire et aujourd’hui en rémission. J’ai commencé à 4 ans et demi et je n’ai jamais pensé faire autre chose. On ne peut pas faire ce métier-là longtemps si on n’est pas passionné. Il faut être à l’écoute du public aussi. Je pense que c’est ce qui fait qu’on dure. »
Le discours est le même chez son « frère cosmique ». « Chanter, c’est un besoin. Arrêter de chanter un jour, ça ne se peut pas. C’est une drogue, la musique. Il y a juste la santé qui va nous arrêter. Tant que je vais être en forme, je vais m’en aller en tournée. J’ai toujours fait ça. »
« Des fois quand je n’allais pas bien, Paul me disait : n’oublie pas Renée, on a un projet ensemble ! Je n’avais pas le choix, j’allais m’en sortir. »
Se reposer... pas maintenant !
Prendre le temps de se reposer alors qu’ils ont passé le cap des 70 ans ? Très peu pour les deux amis qui comptent les jours avant de lancer leur album (le 10 septembre) et de remonter sur scène en 2022. Un album et une tournée de leurs grands succès où l’un chantera les chansons de l’autre et une pièce originale Nés le même jour écrite par Nelson Minville.
Conscients qu’ils ne peuvent plus travailler comme ils le faisaient jadis, ils envisagent une tournée qui sera beaucoup dans la tendresse et l’affection de ce public si fidèle qu’il est devenu une grande famille.
« Partir en tournée à notre âge, avec nos expériences, c’est le fun, lance le chanteur. Quand on a 20 ans, on n’a pas l’expérience qu’il faut. C’est dur physiquement, mais on a la couenne dure d’être encore là. On y va jusqu’au bout. Il faut finir ce qu’on a commencé. »
S’ils ont chacun vécu, sous l’œil du public et au fil des années, de nombreux revers de la vie, tous deux s’accordent pour dire que leurs vies mouvementées furent aussi belles à l’intérieur qu’en dehors du métier. Grâce à leurs familles et à leur public qui leur ont bien rendu l’amour et la passion partagés.
« Avec le temps, j’ai découvert le bien que notre musique fait aux gens, explique Paul Daraîche. J’ai des témoignages extraordinaires du monde que j’ai aidé par mes chansons, à accepter et comprendre des choses. Des gens que j’ai aidés dans des moments de détresse. »
« On ne peut pas penser à si c’est notre dernière tournée, maintient Renée Martel. Je ne peux pas penser à la fin. »
Louise Portal, 71 ans, actrice, chanteuse, autrice, conférencière
- 51 ans dans le métier
Soixante tournages, une cinquantaine de séries télé, 25 pièces de théâtre, 5 disques, 20 publications, Louise Portal a presque tout fait en un demi-siècle dans le show-business. Aujourd’hui, celle qui est née artiste effectue un retour aux sources dans son Saguenay natal où elle se plaît à cultiver les joies de l’inattendu.
« Jouer, écrire, créer ; ça a été et c’est encore ma vie, lance la lumineuse Louise Portal. C’est la création qui m’anime, tout le temps, dans mes choix et dans la façon dont j’ai évolué à travers les décennies. J’ai toujours été capable d’être assez à l’écoute d’où j’étais rendue pour que ma vie et mon expression artistique soient en symbiose. »
L’artiste qualifie sa cinquantaine « d’années d’héritage », sa soixantaine « d’années où elle a engrangé des choses pour planifier la vieillesse » et sa septantaine « d’années de transmission » (de son savoir, ses expériences et sa philosophie de vie).
Rester ouverte
« Je suis toujours dans un avenir qui me fait signe, je réponds à ce qui m’est proposé avec mon cœur, dit celle qui a trois projets de livre en chantier. Rester ouverte, mais pas dans une attente. »
Abonnée aux premiers rôles pendant 25 ans, l’actrice s’est doucement vu attribuer des rôles plus épisodiques, puis des participations spéciales comme c’est le cas dans le film Le guide de la famille parfaite de Ricardo Trogi. Si elle explique être en semi-retraite depuis les 4 dernières années, ses projets d’écriture (son plus récent roman épistolaire s’intitule d’ailleurs L’héritage des mots) la remplissent de joie.
« Ce n’est plus important d’avoir le premier rôle », confie celle qui affirme que la décision de garder ses cheveux blancs lui a permis « d’accueillir le chemin du vieillir ». « Il faut faire un travail de détachement, de renoncement et de lâcher-prise. Quand on est jeune, on est dans la performance, dans l’ambition, on veut faire sa place. En vieillissant, tous ces aspects s’amenuisent et on est comme libéré de soi-même, de l’ego et de son grand besoin de prouver et d’être reconnu. »
Sous-représentés à l’écran
Ce grand travail d’acceptation ne l’empêche pas, cependant, de trouver que les gens de plus de 60 ans sont sous-représentés à la télévision comme au cinéma.
« Encore plus les femmes que les hommes, souligne-t-elle. Avec la pandémie, on a été stigmatisés. Je n’en reviens pas que depuis un an et demi, il n’y ait personne qui ait fait d’effort pour mettre les aînés à l’écran. À 70 ans, on n’est pas fini ! On a encore plein de projets, on n’est pas juste là pour faire une tourtière », ajoute en riant celle que l’on verra sur les planches de théâtre à l’hiver 2022.
Gilles Renaud, 76 ans, acteur et Louise Turcot, 76 ans, actrice, autrice, enseignante
- Ils ont tous deux commencé dans le métier à l’âge de 20 ans
À 76 ans, il n’y a que deux raisons qui feraient que Louise Turcot et Gilles Renaud arrêteraient de jouer : des problèmes de santé et le téléphone qui cesserait de sonner. Ce n’est heureusement pas le cas pour le couple d’acteurs qui a toujours des projets plein la tête.
« Tant que je vais vivre, je vais jouer ; je ne pourrais pas faire autre chose, affirme d’emblée Gilles Renaud, qui tournera dans une énième série télé à la fin août (il a joué dans plus d’une quarantaine). Je ne connais pas de vieux acteurs qui ne veulent pas encore jouer. »
« Ils veulent tous continuer, renchérit Louise Turcot. C’est leur vie, c’est leur plaisir, c’est leur bonheur. On connaît des acteurs qui sont plus âgés que nous et qui veulent encore beaucoup travailler. C’est une passion. »
Pour le duo, qui a pu approfondir et perfectionner son métier au fil des années, il serait infiniment regrettable de devoir s’arrêter maintenant, alors que l’expérience leur permet de prendre leur place et de décrocher de beaux rôles.
Peu de rôles de personnes âgées
À l’instar de son amie, Marie Tifo, l’actrice se désole toutefois du triste sort réservé aux comédiennes plus âgées au Québec, elle qui rêve qu’un cinéaste lui écrive un beau grand rôle.
« Des rôles de personnes âgées, il n’y en a presque pas, dit-elle. On ne peut pas s’étonner d’avoir moins de travail. Surtout chez les femmes, c’est encore plus flagrant. Avant, on jouait une grand-mère, mais maintenant les grands-mères dans les téléromans ont 50 ans. Il faut l’accepter et ne pas trop s’y attarder, car cela peut être un petit peu déprimant à la longue ».
Gilles Renaud insiste sur le plaisir qu’il ressent toujours à jouer et sur l’aspect social du métier lui permettant de développer des relations profondes avec ses camarades. « Depuis la pandémie, on parle beaucoup des vieux, et contrairement à ce que les gens dans la société pensent, le concept de vieux quand on est acteur, lorsqu’on est sur scène avec une équipe, n’existe pas, tient à préciser Louise Turcot. On n’est pas un vieux : on est un acteur qui joue un personnage qui est plus vieux que le reste de la distribution. Mais on n’est pas considéré comme un vieux. »
Garder la forme
Si bien dormir aide à leur concentration, bien manger, aller au gym (pour lui), marcher beaucoup (pour elle) et boire du bon vin leur permet de se tenir en forme. Pour l’acteur qui a joué dans plus de 150 pièces de théâtre et 75 films, apprendre les textes reste ce qu’il trouve le plus difficile.
« On est de bonne humeur, on reste accroché à tout ce qu’il y a de positif et de beau dans la vie, ajoutent-ils. La bonne vie de famille aussi nous garde en forme. »
« On n’a pas besoin d’aller dans ses séminaires de remises à niveau. On le fait quotidiennement en travaillant avec des jeunes, en discutant avec eux. Je n’offre jamais de conseils à moins qu’on me le demande. Mais il y a cette collaboration et cette complicité entre les jeunes et les moins jeunes. »
Louise Turcot a publié le livre Lettres à une jeune comédienne dans lequel elle raconte les défis de son métier à une jeune actrice.
Pierre Curzi, 75 ans, acteur et politicien et Marie Tifo, 72 ans, actrice
- 50 ans de métier
- 50 ans de métier
À deux, ils cumulent plus de 100 ans de métier ! Marie Tifo et Pierre Curzi ont été très présents sur les planches, ainsi qu’au petit et au grand écran. Si on a toujours la chance de les voir jouer, c’est que le couple d’acteurs s’offre désormais le luxe de choisir ses projets. Des scénarios porteurs de sens qui doivent les allumer assez pour leur faire quitter leur havre à la campagne.
« Ce n’est plus la quantité qui compte, explique Marie Tifo. Dès qu’un projet nous parle, on est ouvert à toutes les aventures. La passion est toujours là et les impromptus me ravissent en ce moment. »
« La passion du métier et du message, renchérit Pierre Curzi. Ce que ça dit, ce que ça raconte ; ça peut être social, politique, formel... Je pense que la passion est toujours là pour tout le monde, car tu ne peux pas faire ce métier et être rendu là sans passion. Mais l’usage de la passion varie selon les individus et leurs motivations. »
Le couple se sait privilégié d’avoir accumulé, en travaillant beaucoup, un fond de retraite chassant l’obligation financière d’aller travailler.
Âgisme
Aujourd’hui moins sollicitée que son conjoint, Marie Tifo n’hésite pas à parler d’âgisme lorsqu’il est question de montrer la vieillesse – surtout celle des femmes – à l’écran. Un triste constat pour celle qui envie et admire les carrières prolifiques de certaines vieilles actrices britanniques et françaises.
« On est de vieilles personnes et les vieux ont de moins en moins de travail, c’est encore plus le cas pour les femmes, déplore-t-elle. Je parle avec des amies actrices qui se font proposer des rôles insignifiants. C’est dévalorisant. Ce sont les pères et les vieux qui sont présents ; les vieilles mamans, on n’est pas là. »
« Ce qui est compliqué, c’est l’image qu’on nous demande de jouer et qui ne correspond pas à ce que nous sommes, poursuit Pierre Curzi. On est nombreux de notre génération à être des gens qui vieillissent oui, mais lentement, et à garder nos facultés intellectuelles et même physiques. »
Rester actif !
La forme, le couple la garde en ayant une très bonne alimentation et en restant actif au quotidien. Jardinage, natation, marches avec Bulle (leur chienne) et vélo pour elle, tennis et entretien du large potager et du domaine pour lui. Ce métier qu’ils aiment tant et qu’ils partagent avec leurs amis acteurs dans « une recherche constante de l’échange à travers le jeu » s’applique aussi à garder leurs esprits allumés.
« Je pense que ce qui garde en forme, c’est la curiosité et la passion, explique l’acteur. Si tu es curieux, tu apprends. Il y en a pour qui leur vie se résume à leur métier. Pas nous, car on a beaucoup de centres d’intérêt. Et puis on a des enfants et des petits-enfants, ça meuble. »
Conscients que les conditions de travail ont beaucoup changé au fil du temps – heures plus longues, rythme plus rapide –, les deux acteurs n’hésitent pas à demander et se donner plus de temps pour apprendre leurs textes. À profiter des rencontres intergénérationnelles et de la mixité sur les plateaux aussi, afin que nouveaux et vieux acteurs puissent apprendre les uns des autres.
« On aimerait que les vieux se mettent ensemble et qu’on essaie de valoriser ce qu’on est à 60, 70, 80 ans, lance Marie Tifo avec conviction. De préserver notre qualité de vie aussi ! Dire : on ne se fera pas mettre de côté parce qu’on est vieux ! On est là, on existe et on a des choses à dire. On a un vécu derrière nous, profitez de nos connaissances. Je pense que c’est ce qu’on doit essayer de négocier avec la jeunesse. »
Shirley Théroux, 75 ans, chanteuse, animatrice, femme d’affaires, peintre
- Plus de 50 ans de carrière
« Coupe-moi les cordes vocales et je meurs ; enlève-moi la musique et chanter et je m’éteins », lance Shirley Théroux. À 75 ans, l’artiste n’a rien perdu de sa fougue légendaire. Son objectif ultime ? Devenir centenaire et ne jamais au grand jamais arrêter d’exercer son métier.
« Chanter, ça a été mon rêve que j’ai réalisé et que je continue à réaliser, poursuit celle qui a trouvé extrêmement difficile l’arrêt imposé, l’attente et les deuils vécus pendant la pandémie. Faire mon métier, c’est ma vie, c’est une passion ! »
Un jour à la fois
Les secrets de son feu sacré ? Prendre la vie un jour à la fois, se tenir en forme en marchant beaucoup et en faisant des respirations chaque matin au réveil, peindre, passer du temps en famille, garder son cœur d’enfant et être tout simplement toujours passionnée par son métier.
« Ma voix est plus belle qu’elle n’a jamais été, affirme la porte-parole de la Fondation de l’Institut de gériatrie de Montréal depuis maintenant trois ans. Quand tu reçois un cadeau comme cela dans la vie, tu n’as pas le droit de le laisser tomber. »
Tant que le public souhaitera qu’elle soit là, elle le sera. Et il le souhaite toujours, la preuve : les nombreux messages et témoignages de ses admirateurs soulignant à quel point sa voix leur apporte réconfort, bonheur et apaisement.
« Pour moi, j’ai 30 ans, dit celle qui célébrera ses 50 ans de carrière en montant pour la première fois sur les planches du Gesù à Montréal en février 2022. Dans notre tête, on a toujours 30 ans. Mais vieillir, ça dérange du monde. Chaque être humain se croit éternel et pense qu’il ne va pas vieillir. Mais nous, à 75-80 ans, on vous le rappelle qu’un jour vous allez être vieux. »
En attendant de monter sur scène, l’artiste travaille sur divers projets : son spectacle qu’elle livrera dans les grands centres, l’écriture de chansons, de la peinture et l’écriture de sa biographie à venir en 2023. « Préparez-vous, ça va fesser », prévient-elle.
Robert Lalonde, 74 ans, auteur, acteur
Que représente écrire et jouer pour vous à ce stade de votre vie ?
« Jouer, écrire, peindre, en fait m’adonner à la création est pour moi une façon de vivre, depuis toujours et j’espère qu’il en sera de même jusqu’à la fin. L’âge à cet égard n’a aucune importance, sinon celle de me donner l’illusion que je fais de mieux en mieux avec les années. »
Comment gardez-vous le feu sacré et le désir de continuer après toutes ces années ?
« Le feu sacré est une vision de l’esprit. Seuls comptent en fait pour moi le désir et l’assiduité. Tant que l’eau de mon puits se renouvelle et que je me pose avec constance devant la page blanche, ou me joins à mes camarades en salle de répétitions, la force et le courage, l’abandon et le doute, la frousse et la confiance m’accompagnent et ce qui advient toujours est plus fort que ce que je suis porté à envisager au départ. Le feu sacré, donc, ce serait ça : le désir et le goût du dépassement. »
On ne vous imagine pas vous arrêter d’écrire et de jouer un jour. Est-ce une éventualité que vous envisagez ou pas du tout ?
« Cesser d’écrire équivaudrait à cesser de respirer. Jusqu’au dernier râle, je veux tâcher de tirer au clair le sens de ma présence au monde et partager mes inquiétudes et mes espoirs avec celles et ceux qui envisagent la création de la même façon que moi.
Ce qui pourrait faire en sorte que je m’arrête ? La terminaison de ma santé et là encore, non, je perdurerais dans le mal comme dans la faiblesse. »
Comment vous gardez-vous en forme ?
« Qu’on s’entraîne ou bien qu’on obéisse aveuglément à ce que le corps suggère de lui-même, rien n’est garanti. Pour ma part, j’ai mes petites routines – gymnastique, nage, jardinage, marche avec mon chien et surtout siestes entre les périodes de stress. La santé ne se travaille pas, elle nous laisse libres et se faire trop de souci pour elle la fait regimber... »
Croyez-vous que les artistes soient victimes d’âgisme ?
« Tour à tour, on me dote de sagesse, de délinquance ou de décrépitude. Le plus souvent de sagesse, il me semble. Le métier d’acteur est autrement moins difficile pour les hommes vieillissants que pour les femmes vieillissantes. Déplorable, mais toujours vrai.
Quoi qu’il en soit, comme disait la grande Betty Davis : “Growing old is not for sissies” – ce qui pourrait se traduire par : “Vieillir n’est pas fait pour les poules mouillées...” Je me refuse cependant à considérer qu’il existe des écarts générationnels infranchissables. Ce serait abdiquer devant la vision commune qui veut que la jeunesse soit une affaire d’âge. Je connais pas mal de très vieux jeunes gens et de très jeunes vieillards... Si la tête flanche, le cœur lui ne vieillit pas, fort heureusement. Et puis il faudrait cesser d’imaginer la vie avec des notions polarisantes comme jeune, vieux, beau, laid, valable, nul, etc. La vérité est qu’il n’existe pas de pensée pure, pas d’émotion pure. Comme le dit Freud lui-même : la névrose, c’est l’incapacité d’accepter l’ambiguïté, qui est qu’on le veuille ou non, notre modus vivendi quotidien à tous. »
10 autres vedettes québécoises aimées du public, âgées de plus de 70 ans
► Janette Bertrand, 96 ans, écrivaine, journaliste, comédienne
Elle a écrit plus d’une dizaine de livres, a joué dans quatre téléséries et cinq films et a remporté plus d’une dizaine de prix prestigieux. Ses ateliers d’écriture « Écrire sa vie » ont poussé près de 1000 personnes âgées à rédiger leurs mémoires.
► Béatrice Picard, 92 ans, actrice
Elle a joué dans plus de 40 films et téléséries. On l’a aussi vue souvent au théâtre et elle prête sa voix à Marge Simpson dans la série Les Simpson depuis 1989. On la verra prochainement dans le court métrage Suzanne et Chantal de Rachel Graton et sur les planches du théâtre Rougemont dans Béatrice et Marie-Josée en mots dits !, du 25 au 28 août.
► Denise Filiatrault, 90 ans, comédienne, metteuse en scène, directrice de théâtre et réalisatrice
Elle a joué dans une quarantaine de films, dans de nombreux feuilletons et séries télévisés, en plus d’en avoir scénarisé, avoir joué au théâtre et avoir mis en scène une vingtaine de pièces de théâtre. Elle a aussi reçu de nombreuses distinctions. Elle est remontée sur les planches du Théâtre du Rideau Vert en juin dernier pour lire Coronavarius, un texte de Michel Tremblay.
► Jean-Pierre Ferland, 87 ans, auteur-compositeur-interprète
L’artiste compte tout près de 30 albums en carrière. Il a lancé l’album Je n’veux pas dormir ce soir en mars dernier et il lui tarde de repartir en tournée.
► Robert Charlebois, 77 ans, auteur-compositeur-interprète
L’artiste, qui a lancé une trentaine d’albums en carrière et a à son actif plus de 450 chansons, poursuit la tournée de son spectacle Robert en CharleboisScope.
► France Castel, comédienne, animatrice, chanteuse, 76 ans
Elle a joué dans des dizaines de films et de séries télé en plus d’animer à la télévision et à la radio. Elle est de la distribution de Nuit blanche, la nouvelle série dramatique d’ICI Télé qui sera diffusée à la saison 2021-2022.
► Michèle Deslauriers, 75 ans, comédienne
La comédienne, qui a reçu de nombreuses distinctions, a joué dans un nombre quasi incalculable de films et de séries télévisées. Au théâtre aussi. Elle a récemment joué dans la série Les beaux malaises 2.0.
► Ginette Reno, 75 ans, chanteuse, comédienne
La chanteuse nous a offert plus d’une quarantaine d’albums en carrière. Elle a reçu de nombreux prix, a joué dans six films et dans des séries télévisées. En 2020, elle a enregistré la pièce Ça va bien aller pour donner de l’espoir aux gens pendant la pandémie.
► Patrick Norman, auteur-compositeur-interprète, 74 ans
Son nouvel album Si on y allait souligne ses 50 ans de carrière et pas moins de 33 disques. Le chanteur a aussi publié sa biographie intitulée Patrick, Yvon et vous et est actuellement en tournée avec son spectacle Si on y allait.
► Remy Girard, comédien, 70 ans
En 50 ans de carrière (fêtés en 2020), on a beaucoup vu l’acteur à la télévision et au cinéma. Et on le voit toujours, notamment dans District 31, Les mutants et la série policière Portrait-robot.