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«Manuel de la vie sauvage»: une conférence sur la réussite

Jean-Simon Traversy
TOMA ICZKOVITS/AGENCE QMI Jean-Simon Traversy

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Deux ans après avoir débuté, l’adaptation du roman de Jean-Philippe Baril Guérard, «Manuel de la vie sauvage» va enfin vivre sur la scène du théâtre Duceppe, à partir du 8 septembre. Le metteur en scène Jean-Simon Traversy et la comédienne Emmanuelle Lussier Martinez analysent l’évolution du processus créatif. 

Si la pandémie a fermé les salles de spectacles pendant de nombreux mois, elle a aussi initié des changements créatifs qui permettent d’apporter un autre regard sur une œuvre. C’est le cas pour la version de «Manuel de la vie sauvage», dont le personnage principal est devenu une femme.

«L’acteur qui devait jouer le rôle principal a dû se retirer et, quand est venu le temps de le remplacer, la question s’est posée, a raconté Jean-Simon Traversy. La metteure en scène Édith Patenaude dit souvent que si on écrit le texte en pensant au genre du personnage, on va y inclure des indications genrées, mais si on change le genre à la toute fin, on s’aperçoit que ça marche aussi pour l’autre sexe. On a donc changé Kevin pour Cindy, et ça fonctionne parfaitement.»

Évidemment, le propos de la pièce prend une teinte différente. «On s’est vite aperçu que je ne pouvais pas asseoir mon autorité de la même façon que si j’étais un homme, a reconnu Emmanuelle Lussier Martinez, qui joue Cindy. Je dois partir avec une assurance très forte, qui peut aussi être perçue comme de la condescendance ou de l’arrogance. Mais si j’abordais le public avec plus de douceur, avec un côté plus "féminin", j’avais l’air mielleuse ou faible. On dirait que mon espace de liberté dans le jeu est plus restreint.»

Le fait que le personnage soit féminin ajoute involontairement une ambiguïté dans les relations entre les personnages.

Post-pandémie

On peut se demander si les valeurs véhiculées dans la pièce, notamment la soif de réussite à tout prix, ont encore beaucoup d’adeptes au sortir de cette pandémie.

«En adaptant le roman au théâtre, je souhaitais dénoncer ce désir qu’ont plusieurs individus de vouloir aller toujours plus loin, d’avoir toujours plus, a affirmé le metteur en scène. Cette année de pandémie m’a donné le désir d’être plus proche des gens, mais il y a, autour de nous, une main invisible qui veut nous ramener au centre-ville, qui veut qu’on s’enferme de nouveau dans des bureaux, qu’on revive les bouchons, et ce spectacle dénonce ça. Notre version est même plus "trash" que ce qu’on aurait fait avant la pandémie pour dénoncer davantage cette pensée.»

Spectateurs interpellés

Comme dans le roman, la pièce est mise en scène selon le schéma d’une conférence. «Un peu comme dans le roman, on commence par dire: si vous êtes assis dans la salle, c’est que vous voulez gagner. C’est intéressant de donner cette position au spectateur dès le début. Il fallait jouer avec la conférence où il n’y a pas de quatrième mur, les acteurs parlent directement à la salle. On voulait créer une petite atmosphère d’attente et on se permet d’aller loin dans les codes.»

Avec cette façon de procéder, la comédienne sait qu’elle va devoir aller chercher les spectateurs. «Le public peut ne pas se sentir concerné de se faire dire qu’il est ici car il veut réussir. De la même façon, à mesure de ma lecture du roman, j’ai vite juste voulu savoir ce qu’il allait arriver. C’est écrit comme un thriller, et on essaie de monter la pièce de la même façon. On veut que le spectateur oublie où il est assis et se demande ce qui va arriver.»

La pièce «Manuel de la vie sauvage» sera présentée du 8 septembre au 9 octobre, au théâtre Duceppe. Infos: duceppe.com.

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