Isolement sanitaire: pas de douche et vêtements souillés pendant 14 jours pour des prisonniers
Coup d'oeil sur cet article
Suspension des douches, annulation des sorties extérieures, absence de contacts humains, vêtements souillés; le ministère de la Sécurité publique a porté «un dur coup» à la santé mentale des prisonniers pendant la pandémie.
• À lire aussi: Remplacement de Prud'homme: y a-t-il des volontaires pour diriger la Sûreté?
«On leur donnait un vêtement de rechange et ils devaient le garder pendant 14 jours sans avoir accès à une douche. Ça n’avait pas de bon sens», a dénoncé la protectrice du citoyen Marie Rinfret.
Avec la pandémie, les plaintes ont augmenté de 70%. Elles étaient parfois faites par des familles qui n’avaient plus aucune nouvelle de leurs proches incarcérés. «Le personnel correctionnel ne donnait aucune information», dévoile son rapport annuel présenté jeudi.
Conditions «intolérables»
Mme Rinfret a souligné que les règles internationales de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants n’ont pas été respectées, même si c’était dans un contexte où on cherchait à enrayer la transmission de la COVID-19.
«Si ça arrivait aujourd’hui, si on maintenait cette situation-là, oui, je vous dirais que, clairement, ce serait l’équivalent d’une forme de torture», a-t-elle expliqué. Elle comprend toutefois que le réseau des centres de détention a pu être désorganisé lors de la première vague.
- Écoutez l'entrevue de Me Alexandra Paquette au micro de Geneviève Pettersen sur QUB Radio:
Au début de la pandémie, le MSP a instauré une mise en isolement pour toute personne nouvellement admise dans une prison, qu’elle provienne de l’extérieur, d’un autre établissement de détention ou d’un hôpital. Dans les faits, les conditions de détention sont devenues «intolérables». Les prisonniers étaient «coupés de leurs proches, sans effets personnels, sans vêtements de rechange pendant 14 jours, et sans lecture», dit Mme Rinfret.
Son équipe a visité des centres de détention et a pu «constater la détresse psychologique que vivent les personnes incarcérées».
Suspension de droits
La protectrice ne prend pas la situation à la légère. Elle souligne que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande le dépistage des personnes incarcérées. «Un isolement médical inutile a des effets négatifs sur la santé mentale», dit l’OMS.
Elle cite également le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui affirme «qu’en cas d’isolement ou de mise en quarantaine, la personne concernée devrait pouvoir avoir des contacts humains significatifs tous les jours.»
Encore aujourd’hui, «l’accès aux aires communes est interdit» aux personnes en isolement, et «l’accès aux douches et aux cours extérieures reste problématique».
Le cabinet de la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a dit qu’il allait «s’assurer» de mettre en place les recommandations de la protectrice. Il fait remarquer toutefois que «comme toute la population», des mesures sanitaires «ont malheureusement eu un impact sur les individus» et qu’il fallait empêcher les éclosions.