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Quand le destin frappe

Chaos
Photo courtoisie, Éric Myre


Il y a des événements tragiques dont on peine à comprendre les motivations même avec tous les indices en main. Pourtant, ils arrivent. Ils n’épargnent rien. Ils perturbent le cours des choses, laissent des traces, forcent la résilience puis la reconstruction. Actuellement, deux séries ont pour déclencheur une tuerie : Chaos et Après. Elles illustrent bien notre fragilité dans toutes ses nuances, mais montrent qu’il est possible de se relever même après le pire des chocs.

Chaos
Photo courtoisie, Éric Myre

« J’ai toujours été fasciné par le destin, lance Josélito Michaud, coproducteur, créateur et script-éditeur du thriller psychologique Chaos. Celui qui épargne et celui qui frappe. Chacun vit le drame à sa manière. J’avais envie d’explorer comment chaque personnage était avant l’événement, ce qu’il allait être pendant, et comment il va en sortir. » Après avoir étroitement côtoyé le deuil pendant 18 ans pour des projets antérieurs (pensons au livre Passages obligés ou à la série On prend toujours un train), Josélito aborde ainsi le thème différemment. L’élément pivot : une tuerie lors d’un concert. 

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Photo courtoisie, Marlène Gélineau Payette

Difficile de ne pas rester insensible à ce que vivent les personnages. À l’heure où le procès de l’attentat du Bataclan débutait, où l’on soulignait les 20 ans de la tragédie du World Trade Center, où Bête noire, qui racontait l’impact d’une tuerie dans une école sur les parents du jeune assaillant, remportait quatre Gémeaux, la diffusion de Chaos et Après s’inscrit dans une actualité dure qui a besoin de bienveillance. Un hasard non calculé.

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Photo courtoisie, Éric Myre

« Le timing est spécial, reconnaît le réalisateur d’Après, Louis Choquette, dont la trame de base est une tuerie dans une épicerie. Je présentais la série récemment dans un festival à La Rochelle (où elle a remporté le prix de la meilleure fiction francophone étrangère) et les gens me disaient qu’ils auraient de la difficulté à produire une telle série là-bas en ce moment. Que la tragédie est encore trop sensible. Avec Après, on montre que même dans les pires situations, les gens trouvent l’énergie pour se reconstruire. Notre personnage principal, c’est la communauté, le village. À partir d’une seule personne, Maryse (Karine Vanasse), l’énergie des autres s’additionne. »

Chaos
Photo courtoisie

Saisir l’impact

« Chaque série est différente, observe Josélito. Ce n’est pas pour rien qu’elles arrivent en même temps. Ça démontre une préoccupation face au choc post-traumatique, à la violence à outrance, à la façon de se reconstruire. C’est en accord avec ce que l’on vit avec la pandémie qui a plongé bien des gens dans une solitude insoutenable. Ça s’inscrit dans notre conscience collective. » 

Chaos
Photo courtoisie, Éric Myre

La professeure titulaire de l’École de psychologie de l’Université Laval, Geneviève Belleville, qui s’intéresse au stress post-traumatique, abonde dans le même sens. « C’est une bonne chose qu’on s’intéresse aux conséquences et à l’impact psychologique d’un choc post-traumatique. Ce sont des blessures qui ne se voient pas. Nous sommes exposés à beaucoup de scène de violence, au cinéma notamment, et on ne peut pas passer à côté des effets qui en découlent. Vivre un événement tragique comme une tuerie remet en question toutes les croyances voulant qu’on vive dans un monde sécuritaire. Tout le monde réagit différemment. Hyperactivité, sursaut exagéré, insomnie, peine, colère, déconnexion des émotions. Certains vont mettre jusqu’à un mois avant de développer des symptômes. C’est important que des séries comme celles-là montrent qu’il est normal d’avoir différentes façons de réagir à des événements anormaux. »

Chaos
Photo courtoisie, Éric Myre

Éviter les clichés

Dans une série comme dans l’autre, la tuerie est montrée avec une certaine pudeur. On évite les clichés sanglants, les images choquantes. « C’était fondamental de ne pas tomber dans la violence spectacle, explique Louis Choquette. Des images de tuerie nous en avons tous en tête. » Sur le plateau d’Après, ce sont ses claquements de mains qui simulaient les coups de feu. « Notre première préoccupation était l’authenticité. On ne voulait pas non plus que la tueuse soit machiavélique, mais plutôt une femme en souffrance. Le personnage de Danahée (une jeune trisomique) est très important aussi pour apporter de la lumière au drame. » La caméra est toujours proche des protagonistes. Comme pour saisir leur âme.

Chaos
Photo courtoisie, Éric Myre

Si Après révèle rapidement l’assaillante, Chaos mise sur le thriller et multiplie habilement les pistes. Le principal coupable est-il celui qu’on pense et a-t-il agi seul ? Chacun des personnages marche sur une fine ligne et leurs vulnérabilités ressortent petit à petit. « Les gens qui vivent ce genre d’événement ne veulent pas être définis comme des victimes, explique Josélito Michaud. Ceux qui ont vécu ce genre de tragédie ont souvent de la difficulté à en parler avec leur entourage. Pour les préserver et par peur de ne pas être compris. Avec Simon (Lévi Doré), Eugénie (Lysandre Ménard) est capable de reconstruire l’histoire. »

Chaos
Photo courtoisie, Éric Myre

S’il n’a pas voulu suivre ses protagonistes en thérapie, le créateur leur a bâti des trames denses où la santé mentale est au premier plan. « Je voulais l’aborder, mais pas seulement en lien avec l’événement. Pour la popularité, qu’est-ce qu’Invo (Simon Morin) a dû mettre de côté ? On va comprendre l’alcoolisme de Madeleine (Pascale Bussières). La tragédie vient aussi mettre en lumière des mensonges, des secrets qui auraient été anodins. » 

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Photo courtoisie

Résonnance à notre époque 

Ces destins entraînent inévitablement des réflexions qui résonnent avec l’actualité. La télé, bien qu’elle divertisse, fait socialement son bout de chemin. « Tout ce qui nous fait réfléchir sur les impacts psychologiques est un pas dans la bonne direction. Par contre, une situation qui évoque un événement similaire est suffisante pour déclencher une émotion similaire. On l’a vu avec la série américaine 30 Reasons Why. C’est important de mettre un avertissement et de proposer des ressources, conclut Dr Belleville. » 

Chaos
Photo courtoisie

« La télévision peut être anthropologique, avance Louis Choquette. Michel [D’Astous – le coproducteur] et moi nous sommes tout de suite reconnus dans cette histoire à la portée sociale. Nous avons tourné en pleine pandémie ce qui a teinté notre travail. Tout ce qui parle de résilience et d’entraide, ça résonne. »

Même son de cloche du côté de Josélito qui a aussi tourné Chaos en pandémie. « Tout le monde me parle de Chaos, remarque-t-il. Des jeunes comme des parents m’en parlent. Pour moi, ce projet a été une grande leçon. Il ne faut pas attendre un événement tragique pour savourer la vie. »


Chaos, les mardis à 21 h à TVA

Après, les mercredis à 21 h sur ICI Radio-Canada télé







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