Le drame de Kenosha «provoqué» par l'accusé, plaide le procureur
Coup d'oeil sur cet article
Washington | Le lycéen blanc qui a tué deux personnes en marge de manifestations antiracistes aux États-Unis en août 2020 ne peut pas plaider la légitime défense car il a lui-même « créé le danger », a assuré lundi l'accusation dans son réquisitoire.
• À lire aussi: Racisme et armes à feu au coeur de deux procès tests pour l’Amérique
Dans un geste théâtral, le procureur Thomas Binger a saisi le fusil semi-automatique AR-15 que Kyle Rittenhouse, alors âgé de 17 ans, portait le soir du drame, dans les rues de Kenosha, une ville du Nord secouée par des émeutes après une bavure policière.
Tenant l'assemblée en joue, le procureur a remarqué que la première personne tuée par le lycéen « n'avait pas bien pris le fait de le voir pointer une arme » sur la foule, ce qui explique qu'il se soit lancé à la poursuite du jeune homme.
Mais, « ce n'est pas étonnant, personne n'aime ça », a ajouté le procureur.
Quand vous déciderez du verdict, « gardez à l'esprit que l'accusé a provoqué l'incident », car, selon la loi en vigueur dans l'État du Wisconsin, « vous ne pouvez pas invoquer la légitime défense contre un danger que vous créez », a encore asséné Thomas Binger.
Le 23 août 2020, alors que les États-Unis étaient traversés par des manifestations géantes contre le racisme et les violences policières, Kenosha s'était enflammé, parce que des policiers blancs avaient grièvement blessé un jeune homme noir, Jacob Blake, en lui tirant dans le dos.
Lors de la troisième nuit d'émeutes, Kyle Rittenhouse s'était joint à des hommes armés venus « protéger » les commerces contre les émeutiers. Dans des circonstances confuses, il avait ouvert le feu, faisant deux morts et un blessé.
Accusé de meurtre, il plaide non coupable, assurant s'être « juste défendu ». « Je voulais juste arrêter les personnes qui m'attaquaient », a-t-il déclaré en pleurs à la barre des témoins.
Le procureur a toutefois appelé les jurés à s'interroger sur ses « vraies motivations ». « Il dit qu'il voulait protéger un commerce dont il n'avait jamais entendu parler avant », a relevé M. Binger. « Pensez-vous qu'il voulait vraiment aider? »
Pour lui, Kyle Rittenhouse « cherchait de l'excitation », « il savait qu'il y aurait de la violence cette nuit-là », a-t-il encore asséné.
Les avocats de la défense devraient prendre la parole dans la foulée, et les jurés se retireront ensuite pour délibérer.
Leur verdict sera scruté de près, tant le dossier est devenu politique.
Kyle Rittenhouse est en effet devenu une égérie dans certains milieux de droite pour qui la grande mobilisation contre les violences policières de l'été 2020 était l’œuvre d'« antifas » ou « d'anarchistes ».
À l'inverse, à gauche, il incarne les excès de la culture des armes et du droit à l'auto-défense.