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Sortie de piste pour la jeune entreprise québécoise SmartHalo

L’appareil qu’elle a créé grâce au sociofinancement rendait les vélos «intelligents»

SmartHalo
Marie-Claude Rolland, de Gatineau, a soutenu la campagne de sociofinancement de SmartHalo sur le site Kickstarter à l’été 2019. Elle est l’une des chanceuses à avoir reçu son produit, mais il a cessé de fonctionner depuis quelques semaines. Photo courtoisie


Une des belles réussites technologiques du Québec, SmartHalo, a été fauchée par la COVID-19. Née grâce au sociofinancement, l’entreprise n’a pas réussi à fabriquer toutes les unités du gadget qu’elle a pourtant vendues. 

Ses clients, sans réponse depuis quelques semaines, commençaient à s’inquiéter et à inonder les réseaux sociaux de commentaires négatifs.

Le cofondateur et patron de SmartHalo, Xavier Peich, confirme au Journal que tout est terminé. « Malheureusement, c’est fini. On n’a plus de bureau, plus d’employés », reconnaît-il au bout du fil. En fin de journée, hier, il en a aussi averti ses clients. 

L’entreprise montréalaise a fait un tabac sur la plateforme de sociofinancement Kickstarter à l’été 2019, en récoltant près de 2 millions de dollars en 35 jours pour la conception du SmartHalo 2.

La première version a amassé 500 000 $ sur la même plateforme en 2015 et s’était vendue dans plus de 70 pays. 

SmartHalo voulait rendre le cyclisme « plus sécuritaire, plus facile et plus amusant ». L’appareil connecté, qui s’attache au guidon, est muni d’un GPS, d’un phare assez puissant, d’un moniteur d’activité et d’un système d’alarme, notamment. 

SmartHalo
Photo courtoisie

Mais alors que seulement 10 000 des 16 000 unités du SmartHalo 2 ont été livrées, l’entreprise a cessé ses activités. 

« On produisait en Asie et avec la COVID, on n’a pas pu aller aussi vite qu’on voulait », plaide Xavier Peich. 

Les appareils en circulation ne fonctionnent plus, car l’application derrière le gadget ne répond plus. 

« On ne pouvait plus payer pour les serveurs et la maintenance », reconnaît Xavier Peich, qui a consacré sept ans de sa vie à SmartHalo.

Frustration

De nombreux clients se disent déçus, mais surtout fâchés d’avoir été tenus dans le noir. 

« J’ai reçu une mise à jour le 16 juin disant que ce serait livré en octobre », lance Annie-Hélène Samson, une Montréalaise qui a payé 260 $ directement sur le site de l’entreprise. Elle n’a plus eu de nouvelles et n’a rien reçu. 

Marie-Claude Rolland, de Gatineau, a soutenu l’entreprise sur Kickstarter à l’été 2019. Au total, elle a déboursé près de 300 $ pour deux appareils, qu’elle a reçus le printemps dernier, mais qui ne fonctionnent plus. 

Elle non plus n’a jamais eu de retour. « Je les ai contactés à plusieurs reprises, sur Facebook, par courriel, sur LinkedIn, je n’ai eu aucune réponse », dit-elle.

Même chose pour de nombreux autres à qui nous avons parlé en Pologne, en France et aux États-Unis. 

Chez SmartHalo, on est conscient de ces désagréments et on se dit à la recherche de solutions. « On est en train de faire une procédure pour voir si on arrive à vendre des actifs, à permettre à quelqu’un d’autre de reprendre les activités », assure Xavier Peich. 

SmartHalo en bref

2015
500 000 $ récoltés sur Kickstarter pour un peu plus de 3000 unités

2017
25 000 unités vendues dans les Apple Stores (Canada, É.-U., Europe)

2019
1 700 000 $ récoltés sur Kickstarter pour 10 000 unités du SmartHalo 2

2021 (printemps)
premières livraisons du SmartHalo 2

2021 (automne)
les serveurs sont désactivés, les appareils ne fonctionnent plus 

Des recours possibles ?  

Même si le sociofinancement est aujourd’hui répandu, « on dirait que les juristes n’ont pas encore pris le temps de s’y intéresser », note Michelle Cumyn, de l’Université Laval.

Elle est l’une des rares professeures d’université en droit à s’être penchée sur l’encadrement juridique du sociofinancement au Québec, dans un papier publié en 2019.

Si, au départ, la technique était utilisée pour des collectes de fonds, elle a beaucoup évolué depuis. Dans le cas de SmartHalo, « on est clairement en présence d’une vente ».

Comme la personne qui a participé à la campagne Kickstarter s’attendait à recevoir un produit, « ça donne ouverture aux recours associés à la vente », notamment celui de poursuivre le fabricant. 

« C’est probablement aussi une vente à la consommation, ce qui veut dire que les recours de la Loi sur la protection du consommateur seraient aussi applicables », ajoute la professeure de droit. 

Avant d’accepter de défendre de tels clients, toutefois, un avocat s’assurera que l’entreprise n’est pas en faillite. « Il faut savoir où est passé l’argent et s’il en reste quelque part », explique Mme Cumyn. 

Bon coup de pub

Sinon, quelle est la différence entre acheter un produit sur Kickstarter ou sur Amazon, par exemple ? Les gens en sont conscients, mais « il faut reconnaître qu’il y a un élément de risque quand on commande un bien sur une plateforme de sociofinancement ». 

En plus d’obtenir de l’argent, « les jeunes entrepreneurs peuvent aussi tester le marché ». 

En gros, plus un produit a du succès sur les plateformes de sociofinancement, plus il est permis de croire que ce sera la même chose ailleurs. 

La technique est aussi une très bonne façon de faire de la publicité, « car les gens qui appuient des produits vont en parler à leur entourage ». 







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