Psycho: je suis une personne grosse, et alors?
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Les changements de mentalité qui entourent les homosexuels ou les personnes racisées, par exemple, ne semblent pas encore s’appliquer aux personnes grosses. Les préjugés, les clichés et les insultes à leur égard sont encore trop nombreux comme le montre la série documentaire «J’t’aime gros», actuellement disponible sur la plateforme Vrai.
Edith Bernier s’implique aujourd’hui pour faire de l’éducation et lutter contre la grossophobie. Elle explique que tout commence par la manière dont on se qualifie. «Personne grosse, c’est ce que je recommande. Je ne parle jamais d’un gros ou d’une grosse, comme on ne dit pas un handicapé ou une trans. On est des personnes avant tout. J’utilise la formulation humanisante, c’est-à-dire une personne grosse, une personne handicapée ou une personne trans.»
Elle confie avoir également beaucoup de difficulté avec les appellations surpoids, obésité, embonpoint... «Ce sont des mots qui relèvent de la science et de la médecine en particulier. Tous ces termes sous-entendent qu’il y a un problème, quelque chose à guérir, et ça indique aussi que c’est une période qui peut être temporaire. Tous ces mots ne sont pas positifs ni même neutres, c’est juste du négatif.»
Gros n’est d’ailleurs pas un adjectif problématique pour une foule de choses, qu’on pense à une grosse maison, une grosse voiture ou un gros cadeau. Mais Edith se demande pourquoi ça prend un tout autre sens quand on parle d’une personne.
«J’ai subi de l’intimidation dès le primaire et aussi au secondaire, mais à la maison, il n’y avait pas stigmatisation. Ça ne m’a quand même pas empêché d’aller chercher un certain épanouissement.»
Nageuse synchronisée
En effet, malgré un physique différent, elle a intégré une équipe de nage synchronisée durant son secondaire. «Je me souviens avoir des copines qui étaient dans ce groupe et qui m’ont invitée à y participer. Finalement, j’ai été convaincue et j’ai fait une première expérience dans un petit groupe lors d’un camp d’été. J’ai été bien reçu par les entraîneurs et les autres nageuses, et j’ai aimé ça.»
Parfois, des choses faisaient qu’elle se rappelait qu’elle était la plus grosse nageuse de l’équipe, mais sans ostracisme particulier. «Dans la nage synchronisée, je n’ai jamais été un extraterrestre. J’étais à Matane, dans un petit milieu, mais je n’ai jamais été traitée différemment des autres nageuses, et on n’a jamais baissé les standards pour moi.» Avant de l’inscrire, sa mère lui a juste demandé si elle était à l’aise de se mettre en maillot devant d’autres personnes.
«C’est sûr que ça prend de l’audace de se montrer en costume de bain, une fois par an, devant tous les parents et les gens de la polyvalente qui viennent assister au spectacle. Mais je n’ai jamais regretté de l’avoir fait. Peut-être même que ça a donné l’exemple pour les autres, car l’année suivante, alors que j’ai dû arrêter à cause d’une blessure à l’épaule, j’ai vu plusieurs petites nageuses plus grosses dans le groupe.»
Des années plus tard, Edith salue encore les responsables du club des Aquarelles de Matane de l’avoir accueillie naturellement.
Implication sociale
Malgré tout, les insultes et les regards désobligeants des gens font parfois encore mal. «J’avais déjà la tête pas mal dure à l’époque. Mais on a toujours le besoin d’inclusion, d’être comme les autres. Mais se faire dire ou regarder à tout bout de champ comme étant quelqu’un de différent, ça peut devenir pénible. Mais mon expérience personnelle n’a jamais été: j’ai un problème avec mon corps, mais plutôt: les autres ont un problème avec mon corps.»
Edith Bernier s’est intéressée aux problèmes de grossophobie et a décidé de s’impliquer dans cette cause à cause d’un blogue de voyage qu’elle animait, en 2013. «Ça s’appelait la «Backpackeuse taille plus» et j’y explorais les réalités, les défis et les challenges auxquels les voyageuses grosses étaient confrontées. Je me suis aperçue que le monde était inadapté, voire même hostile, aux personnes grosses. Petit à petit, je suis allée au-delà du voyage et j’ai commencé à prendre des positions plus militantes sur les questions de grossophobie.»
Edith avoue avoir déjà essayé de maigrir de différentes façons et à différentes périodes de sa vie, mais c’était principalement pour faire plaisir aux autres, que ce soit pour trouver l’amour ou pour pouvoir s’habiller comme elle veut.
Ce qu’elle condamne, c’est l’impression que son corps parle avant elle. «Il y a toujours un préjugé négatif envers une personne grosse avant même qu’elle ait fait quoi que ce soit. On a toujours l’impression de partir avec du retard par rapport à une personne standard, parce que les gens ont un préjugé.»