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Industrie forestière: le ministre promet plus de transparence

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Capture d'écran, Agence QMI, Ninon Pednault Le ministre des Forêts, Pierre Dufour, en entrevue dans ses bureaux de l’Assemblée nationale, vendredi dernier.

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Critiqué pour son mutisme depuis le début de son mandat, le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs concède que son ministère a manqué de transparence dans les dernières années. 

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Pierre Dufour a finalement accepté de s’asseoir avec le Bureau d’enquête afin de réagir au documentaire « Défendre nos forêts », diffusé sur Vrai depuis vendredi et auquel il a refusé de participer. Des militants et des experts y expliquent qu’on pourrait mieux encadrer l’industrie forestière afin de protéger davantage notre biodiversité, déplorant au passage l’opacité du ministère.  

«Je pense qu'on a un défi dans mon ministère d'être plus transparent et plus ouvert à la communication, a répété le ministre lors de l’entrevue qui a duré plus d’une heure dans son bureau de Québec. Comme communiquer en amont plutôt que de juste recevoir [ou donner] une directive finale.»    

  • Visionnez un extrait de notre entrevue avec le ministre   

Dans le grand reportage "Défendre nos forêts", des citoyens mentionnent qu’il est difficile d’avoir des réponses de votre ministère. Pourquoi les délais sont-ils aussi longs ? 

Je pense que c'est l'élément central de votre reportage. Et ça vient un peu confirmer que depuis trois ans, il y a une grande déficience au niveau des communications au ministère [...] C'est un côté qu'on va devoir améliorer, être plus proche de la population, expliquer davantage les choses. [...] Je pense que la stratégie qui a toujours été d'être un petit peu en retrait doit changer.
 

Plusieurs citoyens et experts accusent votre ministère de prioriser l'industrie forestière au détriment de la Faune, en citant en exemple la disparition du caribou à Val-d’Or, en Gaspésie et à Charlevoix. Est-ce qu'on priorise les besoins de l'industrie avant la biodiversité au Québec?  

La foresterie, c'est souvent en région que ça se passe. Comme ministre, quand je m’adresse à l’industrie, je dois aussi m'adresser aux 60 000 familles que ça concerne. Je dois tenir en compte le développement économique et faunique. Parce que si je regarde les gens en Abitibi-Témiscamingue, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ceux de la Côte-Nord, il y a aussi plusieurs consommateurs de chasse, de pêche et de plein air. Puis, ce sont des gens qui connaissent quelqu'un qui travaille dans l'industrie forestière. [...] Donc, de mon côté, j’essaie d’harmoniser les pratiques et les situations pour que tout le monde soit capable d’avoir un petit lopin de terre là-dedans.  

Un lopin de terre pour tous, mais il n’en reste plus pour le caribou. Il ne reste que sept caribous à Val-d’Or.  

Regardons le secteur de Val-d’Or la tête froide. Quand on me dit que si on veut rétablir [la population] du caribou forestier, il faut geler 12 000 kilomètres carrés de territoire, [il faut comprendre que] c'est 24 fois l'île de Montréal. À un moment donné, ça veut dire qu'on ne fait plus de développement économique. On ne fait plus rien.  

 Je vais faire en sorte que le bien-être animal soit protégé et que nos sept caribous soient protégés. Et j'aimerais regarder des potentiels de maternité. C'est ce qu'on est en train de faire, justement, avec les caribous en Gaspésie [des enclos de maternité]. 

Donc, vous n'allez pas arrêter de couper pour protéger les caribous ? 

Dans le secteur du caribou de Val-d'Or, on est dans la septième année où il n'y a pas eu de coupes forestières dans l'aire protégée. La compagnie Eacom, qui vient d'être acquise par Interfor justement, ça fait sept ans qu'elle a un potentiel de coupe, mais qu'elle n'a jamais le droit d'y aller. 

Oui, mais les caribous sont dans un enclos. 

Je suis d'accord avec vous là-dessus. On les protège des prédateurs. Si on décide de faire un travail de prédation avec le loup, on a des groupuscules canadiens qui nous textent; «Don’t kill the wolves». Il n'y a jamais une action qui est tout “oui” ou tout “non”. J’essaie de travailler sur la ligne.  

Est-ce qu'il devait y avoir une stratégie pour la protection du caribou cette année?  

Oui, on avait regardé potentiellement pour lancer une stratégie cette année. [Mais] le degré d'information que nous avions nous amenait à nous reposer certaines questions [...] sur les changements climatiques particulièrement. Parce que le caribou ne cesse de dépérir au sud et il va toujours vers le nord. [...] C’est aussi pour ça qu’on a donné le mandat à une commission indépendante itinérante. Il y a aussi l'aspect de la polarisation du dossier. On a l’impression que si on est à gauche, on ne veut qu’une protection de l’habitat du caribou et que toute activité économique cesse. Si on est de l'autre côté, on dit qu’on se fout du caribou, puis on fait des parterres de coupe. Il est où le juste centre ? On a besoin d’un comité indépendant [...] pour prendre une meilleure décision. 

Pourquoi avez-vous besoin d’autres données sur le caribou, si les rapports de vos biologistes et de vos experts sont clairs et disponibles sur le site du ministère?  

On veut avoir le portrait indépendant économiquement, avec les impacts sur la capacité forestière, puis sans les impacts sur la capacité forestière.  

Est-ce que les enclos à caribous vont devenir la norme ?  

On a trois populations isolées. Ces trois populations-là, on ne se le cachera pas, cause une problématique.  

Pour qui ? Pour l’industrie ?  

Non, parce qu'on a des territoires qui sont énormément congestionnés par l'ensemble des utilisateurs dans le coin de Charlevoix. [...] Il y a beaucoup de récréotouristique dans le coin de Charlevoix. Donc, il faut faire la part des choses aussi. Il y a même une autoroute qui traverse le milieu de tout ça. Est-ce qu’on est dans une situation gagnante gagnante ? J'ai encore un point d'interrogation sur le secteur de Charlevoix. Par contre, si on est capable de s’éviter des enclos, c'est ça l'objectif.  

Au début de l’été 2020, vous avez annoncé des coupes près de la rivière Péribonka en raison de la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Ensuite, vous avez fait volte-face. Votre gouvernement a annoncé prendre une pause d’un an, mais qu’est-ce qui va se passer dans un an? 

Actuellement, le travail qui se fait, c'est de créer une aire protégée [...] Il y a une biodiversité [sur la Péribonka], mais on parle de sauver des arbres qu'on peut retrouver à gauche ou à droite. On ne les retrouve pas juste sur la Péribonka. Alors qu'il y a certains enjeux d’aires protégées au sud et [où il y a une certaine] biodiversité qu’on ne retrouve pas ailleurs. Quand on parle de beauté de paysage, de projet touristique pour faire une belle balade de bateau avec des arbres debout au lieu d'avoir un parterre de coupes, je peux comprendre. Mais je pense qu'il faut quand même faire attention, quand on utilise le mot biodiversité. 

Deuxièmement, lorsque je discute avec les intervenants politiques du Lac-Saint-Jean, ils me parlent d’un parc régional. On ne parle pas d'aires protégées. [...] C'est comme s’il fallait une intervention sur toute la rivière Péribonka. On peut s'entendre sur des facettes et c'est ce dont on discute présentement. Quelles seront les facettes qu'on va mettre en aires protégées et lesquelles ne le seront peut-être pas? Mais au moins, on aura une discussion propre entre les différents intervenants du secteur. 

Est-ce qu'on coupe de manière responsable dans nos forêts au Québec, selon vous ? 

La forêt québécoise est certifiée à plus de 90%. On doit certainement faire quelque chose de bien. [...] Que la forêt soit certifiée, je crois que ça démontre le sérieux de nos entrepreneurs forestiers. Est ce qu'il y a de l'amélioration? Oui. Je n'ai jamais caché qu’un parterre de coupe forestière, dans les premières années, ce n'est pas ce qu'il y a de plus beau. Par contre, la forêt repousse. Aussi, on fait de la replantation à peu près à 25-28 %, dépendamment des années. Donc, ça démontre qu’on a un écosystème intéressant.  

Est-ce qu'on protège la biodiversité au Québec? 

Je pense que c'est un objectif. C'est un défi. La particularité que nous avons au Québec, c'est qu'au sud [de la province], on a beaucoup de terres privées. Donc c'est beaucoup plus difficile de travailler une planification forestière au sud qu'au nord. 

Au total, ce sont 83 projets d’aires protégées qui ont été mis de côté ou qui sont toujours en examen. Pourtant cette liste a fait consensus chez les experts. Certains disent que le dossier des aires protégées coince au ministère des Forêts, est-ce le cas ? 

On a voulu identifier quelqu'un [à blâmer]. On a dit : « c'est lui, c'est le bunker, c’est eux autres ». Mais je peux vous dire une chose, on travaille à trois [le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, le ministère de l’Environnement et de la lutte aux changements climatiques et le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles]. On travaille aussi avec les MRC, les municipalités et les différents intervenants sur le territoire. [...] Je pense que c'est un travail d'équipe qui se fait. 

 -Avec Ninon Pednault

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