L’Empire bleu sang : Québec, cité cruelle
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Faire de Québec la ville la plus puissante du monde est une relecture historique audacieuse. Mais qui dit pouvoir, dit aussi cruauté.
Avec L’Empire bleu sang, Vic Verdier, nom d’écrivain de Simon-Pierre Pouliot, se livre à tout un exercice : appliquer la science-fiction au passé, brasser nos références historiques, réinventer notre époque, et y insérer des doses sanglantes de peur et d’horreur.
Il y a de quoi rester pantois !
Tout part de la découverte, il y a quelques siècles, de diamants bleus sous la ville de Québec. La richesse de la ville devient telle qu’elle se transforme en cité-État vers laquelle, au 19e siècle, le monde entier se met à converger et où l’effervescence scientifique règne.
Mais la production de richesses vient avec de grandes inégalités sociales et l’Église – il faut bien garder un fond de vérité ! – a les élus à sa main.
Une dissidence va prendre forme, incarnée par un homme qui se prétend le Vrai Messie. Ses disciples se multiplient et ils sont identifiables par un signe : un trou à la main gauche, comme Jésus crucifié. Et ils n’hésitent pas à frapper pour combattre ce qu’ils appellent le Grand Mal.
L’Église prépare sa riposte grâce au professeur Paul Raumeo, généticien de génie qui a mis au point les Dogues d’Orléans, des chiens aussi intelligents que tueurs redoutables.
Le professeur a aussi Victor Notre-Dame à son crédit, une créature dont on ne sait si elle est un échec ou un succès, mais qui a bien envie de sauter dans la mêlée. La Saint-Jean de 1887 lui en donne l’occasion. Ce sera terrible.
Une histoire de vengeance
L’histoire est racontée en deux temps : en 1887 et cent ans plus tard, en 1987, parce que la bataille d’autrefois a eu des retombées, jusqu’à une finale qui fera frémir.
Plusieurs personnages livrent aussi leur version, mais cette forme chorale éparpille le récit. Il aurait mieux valu concentrer les regards, en privilégiant celui du Père Black, au 19e siècle, et de l’étudiante Marie, au 20e.
Ce sont toutefois les détails de cette histoire de vengeance qui captivent.
En cette fin du 19e siècle, on retrouve Duplessis en archevêque et Taschereau en chef de gouvernement ; la CAQ est le Congrès avant-gardiste du Québec ; des automates servent le café ; la construction du métro est supervisée par l’ingénieur Eiffel et l’architecte Taillibert ; Darwin a établi son École supérieure des sciences de l’évolution à Québec...
Au 20e siècle, les problèmes de transport sont réglés grâce à l’aérobus qui circule au-dessus de la cité ; la Toile part de Québec et s’impose mondialement en français ; la Milice souveraine, et ses cyborgs, est la plus grande armée de la planète ; la série de films Jacques LeBon 007 triomphe...
L’Empire bleu sang est d’abord paru en 2014, récompensé du prix Jacques-Brossard pour le meilleur roman de science-fiction et du fantastique. L’édition de 2021 est une version remaniée et définitive, qui n’a rien perdu de son ton délicieusement ironique et surtout, férocement glauque.