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Révolution COVID: Tout se passe en ligne, retour à la lecture et valorisation de l'achat local

Un dossier spécial

Révolution COVID: Tout se passe en ligne, retour à la lecture et valorisation de l'achat local


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Culture et Consommation

La pandémie a poussé les gens à adopter de nouvelles habitudes d'achat, de visionnement et de lecture qui pourraient rester au-delà de la crise sanitaire.

Des bouteilles de désinfectant à l’entrée      

La bouteille de désinfectant pour les mains pourrait rester à l’entrée des magasins, s’entendent les experts interrogés. 

«C’est une technologie très simple aux effets importants, dit Mylaine Breton, professeure à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke. La sensibilité à l’importance de se laver les mains, je suis convaincue que ça va demeurer.»

Du côté des détaillants, on rappelle que ce genre de mesures dépend des directives de la santé publique. 

«Mais je ne vois pas pourquoi ce serait complètement évacué [...] En tout cas, il n’y a pas d’urgence à les enlever», dit Francis Mailly, du Conseil canadien commerce de détail (CCCD).

Bien plus d’achats en ligne et de livraisons      

Les restaurants et magasins ont beau avoir rouvert leurs portes, les chiffres de l’achat en ligne restent beaucoup plus élevés qu’avant, note Sylvain Charlebois, professeur spécialisé en distribution alimentaire à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse.

Un sondage Angus Reid révèle que durant le mois de novembre, 17 % des Canadiens ont commandé de la nourriture en ligne d’une épicerie ou d’un détaillant, ce qui n’inclut même pas les restaurants. Avant la pandémie, ce chiffre était d’à peine 3 %, rappelle M. Charlebois.

Cette nouvelle tendance a forcé les commerces à prendre le virage numérique de façon accélérée, explique Francis Mailly, directeur des relations gouvernementales pour le Québec au Conseil canadien commerce de détail. 

«En un an, on a fait un bon de cinq ans.»

La pandémie a aussi poussé des restos à se tourner vers la vente pour emporter, comme le petit bistro du coin, qui se consacrait uniquement au service aux tables, abonde François Meunier, vice-président aux affaires publiques à l’Association Restauration Québec.

Les magasins physiques et le service aux tables ne vont toutefois pas disparaître, assurent les intervenants. Les gens vont continuer d’y aller pour l’ambiance, l’expérience sociale ou le plaisir du magasinage.

Moins de croisières et plus de trekking      

Avec la fermeture des frontières et l’instabilité causée par la pandémie, on peut s’attendre à voir un « changement de valeurs » chez les vacanciers, croit Michel Archambault, professeur émérite en tourisme à l’UQAM. 

«Envoyer du monde sur un navire de croisière de 6000 personnes, je ne suis pas sûr que ça va reprendre demain matin.»

La «quête de sens» provoquée par la crise amènera sans doute les voyageurs à fuir le tourisme de masse et à préférer les activités qui permettent d’aller à la rencontre des habitants des pays visités, ou encore de se reconnecter à la nature.

La crise a aussi forcé une prise de conscience de l’impact environnemental du voyage, particulièrement du transport aérien, notent plusieurs experts.

«On a l’impression que c’est devenu plus réel dans l’esprit des consommateurs, des gouvernements, de tout le monde», résume Christophe Hennebelle, vice-président aux affaires publiques chez Transat. 

Ainsi, l’industrie se tourne peu à peu vers un carburant moins polluant tandis que la compagnie Airbus tente de développer un avion à hydrogène, illustre-t-il. 

Moins de paiements comptant      

Dès la première vague, des commerces se sont mis à refuser l’argent comptant ou à encourager le paiement par carte pour éviter les contacts. 

Résultat : les transactions par cartes ont grimpé en flèche, tout comme les paiements de type Paypass et les virements Interac, observe Patrice Roy, vice-président Solutions de paiement à la Banque Nationale. 

«On va payer la gardienne par virement Interac», dit M. Roy pour illustrer cette « modernisation » accélérée.

Ce «changement fondamental» ne causera toutefois pas la disparition de l’argent à court terme.

Étrangement, le nombre de billets en circulation au Canada est passé de 90 à 110 milliards au cours des deux dernières années, dit Hendrix Vachon, économiste chez Desjardins. 

«C’est comme si l’argent comptant avait été plus populaire, mais pas pour des transactions. [...] Quand une situation de crise survient, le réflexe de certains est de garder plus d’argent comptant à la maison», suggère-t-il comme hypothèse.

Croissance de l’achat local et du zéro déchet      

Révolution COVID: Tout se passe en ligne, retour à la lecture et valorisation de l'achat local
Illustration: Nathalie Samson

Au début de la première vague, le gouvernement a appelé les Québécois à acheter local. Cette nouvelle corde sensible des consommateurs semble continuer de vibrer, surtout en alimentation, note Francis Mailly, du CCCD. 

De leur côté, les détaillants ont réalisé à quel point leur chaîne d’approvisionnement pouvait être fragile s’ils dépendaient entièrement de l’étranger ou d’un même fournisseur. Plusieurs en sont donc venus à diversifier et miser sur des fournisseurs locaux, ajoute-t-il.

Ces prises de conscience viennent aussi avec une montée de l’insatisfaction envers le suremballage des denrées, remarque Claude Breton, vice-président Responsabilité sociale d’entreprise à la Banque Nationale. 

«On va voir pousser des épiceries zéro déchet [...], de grandes chaînes vont permettre aux clients d’apporter leurs contenants», illustre M. Breton.

Plus de robots et de caisses libre-service      

La pandémie a accéléré la pénurie de main-d’œuvre, au point où les détaillants doivent automatiser certaines tâches. C’est pourquoi des épiceries se tournent vers les caisses libre-service. Il existe aussi maintenant des étiquettes électroniques, dont le prix peut être changé de façon centralisée, illustre Francis Mailly, du CCCD.

En restauration, on peut s’attendre à voir apparaître des robots pour le service aux tables, et surtout les bornes de commande se multiplier, ajoute François Meunier, de l’Association Restauration Québec.

Le début de la fin de la câblodiffusion      

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Illustration: Nathalie Samson

Le nombre de Canadiens abonnés à une plateforme de visionnement comme Netflix, Amazon Prime, Club illico ou IciTou.tv a explosé pendant le confinement. Tout porte à croire que ces gens ne se désabonneront pas malgré la réouverture des salles de spectacles, estime Michèle Rioux, professeure à l’UQAM et directrice du Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation.«Quand les cassettes vidéo et les DVD sont apparus, les gens ont eu tendance à rester un peu plus chez eux», indique-t-elle. C’est un peu ce qui risque de se passer avec les plateformes qui diffusent maintenant des films en ligne autant qu’en salles. Les proprios de cinémas interrogés par Le Journal se veulent toutefois rassurants. «On ne va pas au cinéma seulement pour voir un film : c’est aussi une sortie, une expérience», dit Vincent Guzzo des cinémas Guzzo. Mario Fortin, des cinémas Beaubien et du Parc, estime d’ailleurs que les plateformes de visionnement font plus de mal à la télévision qu’au cinéma. Est-ce le début de la fin de la câblodiffusion, maintenant que presque toutes les émissions peuvent être visionnées en ligne et que beaucoup de récalcitrants s’y sont mis? Michèle Rioux soupçonne que oui. «Même les diffuseurs locaux veulent migrer vers autre chose et trouver une offre qui va satisfaire les internautes.» Le hic, c’est que les petits joueurs d’ici sont plus réglementés que les grands joueurs, comme Disney+ et AppleTv.«L’effet de la pandémie, c’est de faire éclater au grand jour ces problèmes-là», conclut Mme Rioux. 

De nouvelles habitudes de lecture      

Révolution COVID: Tout se passe en ligne, retour à la lecture et valorisation de l'achat local
Illustration: Nathalie Samson

Enfermés en mode coconnage, bon nombre de Québécois se sont tournés vers la lecture. Et tout porte à croire que ces nouvelles habitudes vont perdurer, estime Jean-Benoît Dumais, directeur général du réseau Les Librairies indépendantes du Québec.Les chiffres sont spectaculaires : les ventes de livres dans les librairies indépendantes ont augmenté de 18 % entre 2019 et 2020 et n’ont pas cessé de croître depuis.«Rien ne laisse présager que ça va s’essouffler, abonde Arnaud Foulon, président de l’Association nationale des éditeurs de livres. Le livre papier est un des derniers remparts à la prédominance des écrans», interprète-t-il.

Plus de prestations artistiques sur le web      

Révolution COVID: Tout se passe en ligne, retour à la lecture et valorisation de l'achat local
Illustration: Nathalie Samson

Des concerts hybrides tenus devant public tout en étant filmés, des youtubeurs qui partagent leur musique en direct, les musiciens d’un orchestre qui répètent ensemble depuis leur salon ; nous continuerons sans doute de voir ce genre de prestations artistiques à l’avenir, croit Danick Trottier, professeur de musicologie à l’UQAM. Beaucoup d’organisations qui hésitaient auparavant sont entrées dans le bal du numérique, comme l’Orchestre symphonique de Montréal, le Théâtre du Nouveau Monde et plusieurs festivals, énumère-t-il.«C’était la première fois que ma chum en Arizona pouvait voir mon show en direct», relate Mireille Camier, du Conseil québécois du théâtre (CQT).Dans certains cas, le numérique permet aussi une nouvelle interactivité avec le public. Mme Camier donne l’exemple d’une pièce de théâtre qui a été présentée sur Zoom devant une classe de secondaire de Sherbrooke. «Les jeunes ont beaucoup plus participé que si ça avait été devant la classe. Les créateurs ont adoré.»Reste qu’il est coûteux d’embaucher une équipe de cinéma en plus des coûts de la production, nuance Rachel Morse, coprésidente du CQT. Pour plusieurs créateurs, le numérique a été «taxant».De plus, «les acteurs se sont ennuyés de leur public», abonde Mireille Camier. Car jouer devant une caméra, ce n’est pas tout à fait comme le faire devant 100 personnes.Ces nouvelles opportunités comportent aussi un risque, rappelle Danick Trottier. Dorénavant, le mélomane a le choix entre aller à l’opéra à Montréal... ou regarder une captation à haut budget du Philharmonique de Berlin depuis son divan.

La Covid bouleverse nos vies, mais pas que négativement. Dans ce dossier, Le Journal met en lumière l’héritage que laissera dans nos vies ce virus.