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Qui rêvait encore à Jean Charest?

Jean Charest
Photo d'archives

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Qui, regardant notre vie politique, s’est dit au fil des dernières années que Jean Charest en est la figure indispensable et absente ? Personne. Non, il ne manquait à personne. 

Mais la politique, elle, manquait à Jean Charest. Il l’aime à s’en confesser. 

C’est plus qu’un métier pour lui. C’est sa passion intime, ce pour quoi il se croit fait. 

Et le grand rêve de la vie de Jean Charest était d’être premier ministre du Canada.  

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Canada

Premier ministre du Québec ? Il a pris le job parce qu’il se présentait à lui, à une époque où son combat contre le camp du Oui lors du référendum de 1995 lui assurait encore un grand prestige chez les fédéralistes, à une époque aussi où il gouvernait un Parti conservateur fédéral à la députation diminuée, et qui ne se voyait pas revenir au pouvoir avant longtemps. 

Alors aussi bien aller à Québec. Aussi bien gouverner une province avant de gouverner le Canada, plus tard, quand les circonstances le permettraient. Comme d’autres, il se disait, en pensant au rôle de premier ministre canadien : un jour, il sera mien, oh oui, un jour, il sera mien. 

Il n’aimait pas vraiment son métier à Québec : Jean Charest est un de ces rares Québécois francophones qui se voient comme un Canadien d’abord, et chez qui l’identité québécoise est plutôt secondaire. 

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Alors oui, il guettait le moment où il pourrait gouverner le Canada entier. 

Mais ses conditions gagnantes se sont éloignées, presque dissipées. Le poste de premier ministre du Canada semblait de plus en plus inaccessible. 

D’autant que le Parti conservateur avait changé. 

Ce n’était plus la coalition de Brian Mulroney, mais un parti ancré dans les valeurs propres à l’Ouest canadien. 

Alors Jean Charest ne prit pas seulement son mal en patience : il refoula probablement son vieux rêve. Après sa défaite aux élections de 2012, qui n’était pas déshonorante, considérant l’ampleur de la crise étudiante, il s’est voué à sa carrière. 

Que retient-on de son passage à Québec ? Un nationalisme québécois humilié. La régression de la langue française. Des seuils d’immigration déments. Et surtout, la commission Charbonneau. À l’échelle de l’histoire, il fait penser aux années Taschereau, qui pourraient faire passer celles de Duplessis comme des années lumineuses du point de vue de l’éthique publique. 

Cela aurait pu l’enterrer, politiquement. 

Mais malgré cela, Jean Charest gardait toujours un œil ouvert. Au cas où. Peut-être l’histoire pourrait-elle lui mordre la nuque et lui donner une dernière chance ? Apparemment, nous y sommes. Nul ne sait si Jean Charest reviendra vraiment. Mais il a envoyé le signal qu’il ne ferme pas la porte. 

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Cauchemar

On devine son créneau : dans un Parti conservateur jugé trop à droite, il se présentera comme le symbole de son recentrement. Ce qu’on appelle le centre droit économique, qui se veut socialement progressiste. 

C’est sa dernière chance de vivre son rêve. Hélas, bien des Québécois auront l’impression de vivre un mauvais rêve politique. 

Ce sera le grand retour d’un petit Canadien. 

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