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Échangeur Turcot: le ministère a oublié de vérifier la facture environnementale pendant quatre ans

Le retrait de crédits carbone a été fait à la suite de nos questions

Torchère Méthane
Photo courtoisie Une partie des crédits carbone ayant servi à rendre Turcot carboneutre vient de la captation de méthane au dépotoir fermé de Rivière-Rouge (photo). Le méthane est brûlé pour l’empêcher de s’échapper dans l’atmosphère.

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Québec s’est vanté que la reconstruction de l’échangeur Turcot était carboneutre sans se rendre compte que le quart de la facture environnementale n’avait jamais été acquittée.

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« Le projet Turcot, qui a coûté 4 milliards de dollars, c’était un projet carboneutre », affirmait sans détour le ministre des Transports François Bonnardel en novembre dernier.

Or, notre Bureau d’enquête a découvert que le consortium qui a construit le nouvel échangeur a omis une étape cruciale pour compenser ses émissions de gaz à effet de serre (GES).

Ce sont nos questions qui ont forcé le ministère des Transports du Québec (MTQ) à corriger la situation il y a dix jours.

En 2018, le consortium KPH-Turcot a acheté pour 31 502 tonnes équivalent CO2 en crédits carbone sur le marché volontaire.

Ces crédits de dépollution datent d’un projet de captation du méthane dans de vieux dépotoirs du Québec.

Étape manquante

Les crédits achetés par KPH sont inscrits au registre de CSA, qui est un des organismes qui assurent le suivi des crédits carbone. 

Jusqu’au 10 février, le consortium ne les avait pas marqués comme « retirés », ce qui assure qu’ils ne seront jamais réutilisés.

« Pour revendiquer qu’on a compensé nos réductions de gaz à effet de serre, c’est l’étape finale », assure le professeur à l’UQAM spécialisé en politiques énergétiques, Mark Purdon.

Notre Bureau d’enquête a fait remarquer au ministère que les crédits étaient toujours marqués comme « actifs » et que rien n’empêchait donc KPH de vendre ou d’utiliser ces crédits pour un autre projet.

« Les [crédits] actifs peuvent changer de propriétaire, confirme une porte-
parole de CSA, Kimberly Gibson. Si le propriétaire des réductions d’émissions vérifiées veut les utiliser pour compenser des gaz à effet de serre, il retire ces crédits. »

« Après vérifications auprès de KPH-Turcot, ce dernier procédera au retrait des crédits dans les meilleurs délais », nous a indiqué le MTQ le 7 février, après des semaines d’échanges courriel sur la carboneutralité du projet Turcot.

Des questions

Selon le président de Coop Carbone et ancien économiste en changements climatiques au gouvernement du Québec, Jean Nolet, l’utilisation de ces vieux crédits de biogaz « soulève des questions ». 

M. Nolet rappelle que puisque les gaz ont déjà été captés, l’achat de ces crédits carbone n’apporte pas de bénéfice additionnel pour l’environnement dans l’avenir.

Il dit aussi avoir un « inconfort avec le registre CSA », beaucoup moins sérieux que les registres Verra ou Gold Standard.

– Avec Annabelle Blais

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