Charest et la coalition des orphelins
St-Pierre

C’était la grand-messe des orphelins de Jean Charest.
Les orphelins d’une politique centriste délaissée par les libéraux et les conservateurs actuels, en bonne partie.
Je n’ai pas parlé à chacune des quelque 550 personnes qui sont venues l’entendre dans un centre de conférence de Laval un jeudi soir.
Mais des orphelins politiques, j’en ai rencontré plusieurs.
Ce sont les fameux nouveaux membres que Jean Charest tente de recruter pour changer le Parti conservateur de l’intérieur.
C’est sa seule chance de gagner.
Si le vote avait lieu aujourd’hui, M. Charest n’aurait aucune chance face au meneur Pierre Poilievre, qui a la mainmise sur le membership actuel.
Selon mes observations non scientifiques, ces gens existent bel et bien, en tout cas à Laval, et sans doute ailleurs.
On pouvait sentir chez eux une soif d’un discours posé, cohérent, je dirais même optimiste, ce qu’ils n’ont pas eu l’occasion d’entendre souvent de la part de la famille conservatrice dans les dernières années.
Le parti nous a plutôt habitués aux coups de gueule fabriqués pour les réseaux sociaux.
Jean Charest tranche avec l’air ambiant. Comme une vieille nouveauté.
Peur du populisme
Jean Charest a passé une bonne partie de son discours à parler de Pierre Poilievre, mais sans jamais le nommer. De son flirt avec le populisme à l’américaine. Une politique de division qu’il faut selon lui rejeter.
Son message a trouvé abondamment écho.
« Les extrêmes, c’est jamais très bon. On voit ce que ça donne ailleurs. Je n’aimerais pas que ce soit importé ici. Il faut des idées plus modérées et plus de respect pour les idées des autres. »
« Le populisme me fait peur. Il y a un manque de courtoisie généralisé, ça dérape complètement. »
Des propos plutôt censés d’un certain Claude, assis dans la salle, lunettes rondes et col roulé.
Le retour de Jean Charest est aussi perçu comme l’occasion de remettre à sa place la frange religieuse du parti.
Un parti que Gabriel Bourret, 23 ans, a quitté lorsqu’Andrew Scheer est devenu chef, par rejet de son « virage identitaire et religieux ».
Comme tout bon communicateur, Jean Charest maîtrise l’art d’évoquer les choses sans jamais les nommer quand cela fait moins son affaire.
Il faut investir dans nos ressources naturelles, être capable de les exporter, tendre la main aux Albertains. On entend le mot pipeline, mais il n’est jamais prononcé.
« On n’imposera pas de projet de pipeline. Les projets, d’abord, seront jugés au mérite et avec les exigences des évaluations environnementales, l’acceptabilité sociale. Mais comme point de départ, il faudrait un gouvernement qui dit : “nous, c’est souhaitable qu’on ait la capacité d’exporter nos ressources vers des marchés autres que celui des États-Unis” », a-t-il fini par lâcher devant les journalistes.
Enfin une vraie course
Prendre chez Maxime Bernier ou prendre chez les libéraux fédéraux et les centristes.
Telle est la question qui se dessine en ce début de course au leadership, pour les membres conservateurs.
Les sondages indiquent une avance certaine de Poilievre parmi les membres votant, mais Jean Charest bénéficie d’un meilleur attrait dans la population générale, y compris chez les électeurs libéraux.
Jean Charest avait abandonné l’idée de se lancer dans la course d’un parti qu’il ne reconnaissait plus en 2020.
Deux ans plus tard, il semble avoir trouvé l’intérêt et le désir de le changer de l’intérieur.
La côte est à pic, mais Jean Charest est visiblement à l’aise à jouer au sauveur.
C’est ce qu’il connaît le mieux.