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Les enfants de chienne: plus fort que les drames

Les enfants de chienne
Photo courtoisie

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Un trio d’amis inséparables qui se perdent de vue à l’âge adulte, ça semble un air connu. Mais il faut voir quelles failles ont fait tout dérailler.

Le roman Les enfants de chienne, le deuxième de Nicolas Delisle-L’Heureux, a une structure qui rappelle une montagne escaladée abruptement, puis doucement redescendue. Car c’est au sommet qu’on mesure l’ampleur du drame raconté.

Au départ, on suit les traces de Louise Fowley, enfant adoptée par une famille religieuse et rigoriste. Mais son tempérament rebelle lui donne la fougue pour confronter ses parents et affronter les moqueurs de son école. 

Elle s’y fait d’ailleurs deux amis, Marco et Laurence. Le trio, fantasque, se démarque à Val-Grégoire, petite ville (inventée) de la Haute-Côte-Nord où il ne se passe rien d’autre que les mille et une misères de la vie. Ce qui finira par inclure, il fallait s’y attendre, l’agression de Louise par le bum de la place. Sauf que ce Willy est le frère de Laurence et que Marco était sur place...

Louise se retrouve enceinte, à 13 ans. Elle quittera Val-Grégoire pour Montréal avec ses parents, qui refusent qu’elle avorte. Fort bien, qu’ils élèvent l’enfant alors ! Elle, elle attendra que Marco et Laurence la rejoignent pour partir ensemble, comme promis jadis.

Cette première partie raconte donc un drame. Curieusement, on a l’impression de le survoler plutôt que d’y plonger. Cette Louise est si forte, si indépendante – « elle se refusait au désespoir », comme dit le roman – qu’elle coupe toute émotion à son égard.

Un regard global bouleversant

C’est le récit suivant, celui de Marco, qui lève ce barrage. Voyons-y l’heureuse conséquence des connaissances professionnelles de l’auteur. Nicolas Delisle-L’Heureux est en effet travailleur communautaire à Montréal ; à travers « son » Marco, on sent à quel point il comprend la réalité des petits travailleurs et des gens démunis.

Marco, maintenant adulte, est installé au Labrador. Nul ne connaît son passé, pas même son amoureuse, alors il panique quand il apprend que Louise cherche à le retrouver. 

Avec délicatesse, Delisle-L’Heureux va dévoiler les raisons de son mutisme, le poids de culpabilité qu’il porte. Non seulement le personnage sort ainsi de sa petitesse apparente et en est magnifié, mais tout le roman s’en trouve éclairé. 

Ce qui suit dans le récit, soit le tragique destin de Laurence puis la quête de réparation que poursuit Louise, trouve ainsi sa justification. On comprend mieux aussi le portrait tout en humour grinçant de Val-Grégoire qui clôt chacune des parties du roman.

Et grâce à l’assemblage patiemment tissé de tous ces points de vue, Les enfants de chienne, soudain, nous accroche. Le drame de Louise n’est donc pas que le sien : il a des répercussions pour le trio, le fils de Louise, la sœur de Willy, le village... Ce regard global là s’avère bouleversant.

On apprécie dès lors que ce monde de noirceur cède la place, dans une surprenante finale, à l’espoir. À l’image de la force de Louise.

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