Les brasseurs craignent un déraillement
Les cibles fixées par Québec pour la modernisation de la consigne ne sont pas réalistes, selon Molson Coors, Labatt et Sleeman, qui craignent que ce chantier mette en péril le système déjà en place pour les bouteilles de bière.
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« Nous avons présentement un système privé qui est géré par les brasseurs. Il va techniquement prendre fin, parce que le projet de règlement prévoit que tout sera inclus dans le nouveau système public », avance le directeur général de l’Association des brasseurs du Québec (ABQ), Philippe Roy.
Ces dernières semaines, l’ABQ a déposé un mémoire au gouvernement pour lui faire part de ses inquiétudes liées à la modernisation de la consigne. Censé entrer en vigueur d’ici la fin 2022, Québec a annoncé, en début d’année, repousser la date butoir pour son déploiement au printemps 2023.
Différents projets pilotes touchant les contenants en verre, en métal ou en carton d’un format de 100 ml à deux litres ont été lancés, ces derniers mois.
Nuire au fonctionnement
Selon l’ABQ, qui représente d’importants joueurs dans l’industrie brassicole, le système actuel de consigne permet de réutiliser la bouteille brune de bière jusqu’à une quinzaine de fois. La direction fait valoir dans son mémoire qu’il s’agit d’un modèle bien implanté « d’économie circulaire ».
Elle s’inquiète toutefois de voir que plusieurs modifications annoncées dans le projet de règlement pourraient nuire à son fonctionnement dans le nouveau système public et entraîner des coûts supplémentaires.
Elle évoque notamment la fin de la reprise obligatoire dans les commerces de 2500 pieds carrés, ce qui pourrait avoir un impact sur les habitudes des consommateurs, ainsi que le retour des produits dans des endroits désignés. Cela représente « le passage de 7000 points de retour à 1500 », note l’ABQ.
« L’analyse du projet de règlement semble démontrer que le contenant à remplissage multiple de bière n’est pas du tout favorisé, et sa pérennité est mise en péril », déplore la direction. Cette formule d’approvisionnement en bouteilles est essentielle pour soutenir la production des brasseurs.
« Le peu de points de vente et la confusion que cela engendrera pour le consommateur rendent irréaliste le maintien du système privé. [...] La modernisation ajoute un fardeau économique et administratif qui rend le maintien du modèle d’affaires actuel non viable », poursuit l’association.
Cette dernière estime que le gouvernement devra injecter davantage d’argent dans ce modèle s’il souhaite le maintenir dans un système public et assurer sa pérennité. Cette formule assure du boulot à plus de 2000 personnes du côté des brasseurs, fait valoir l’ABQ.
Au moins 18 mois
L’association propose aussi que les brasseurs ou l’organisme de gestion qui sera désigné pour chapeauter la nouvelle mouture puissent fixer les montants pour la consigne sur la bière, selon les types de contenants.
Quant au délai pour l’implantation de la nouvelle formule, l’ABQ affirme que « le défi de mettre sur pied 1500 centres de dépôt, de commander les récupératrices et autres équipements spécialisés, et de mettre en fonction la flotte de camions nécessitera au bas mot 18 mois, sinon plus ».
Cette nouvelle consigne fera bondir de 25 cents la facture lors de l’achat d’une bouteille de vin ou de spiritueux, et de 10 cents le prix pour les autres contenants consignés (jus, lait, eau, boissons gazeuses). À ce montant, il faut ajouter les écofrais appliqués par les producteurs.