Du skatepark à l’église pour aider son prochain
Un ex-planchiste termine bientôt sa première année d’études pour devenir prêtre
Un ingénieur de 27 ans qui a passé son adolescence dans les skateparks comme plusieurs garçons de son âge a changé drastiquement de vie afin de devenir prêtre, contrairement à la croyance populaire voulant qu’aucun jeune ne s’intéresse à la religion.
• À lire aussi: Adepte des skateparks à 73 ans
• À lire aussi: Un nouveau planchodrome de calibre international à Montréal
« Rien ne me prédestinait à ça. Mon père est un scientifique et j’avais aussi toujours cru que la science avait toutes les réponses », confie d’emblée Félix Lamontagne.
À l’occasion de Pâques, Le Journal a visité le Grand séminaire de l’archidiocèse de Montréal pour rencontrer de futurs prêtres et comprendre leurs motivations à choisir cette vocation en 2022.
Dans cette mini-université au cœur de l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie, 12 séminaristes de tous âges font des études qui durent huit ans pour décrocher un diplôme canonique ainsi qu’un diplôme de niveau universitaire reconnu par le ministère de l’Éducation.
À l’adolescence, Félix Lamontagne n’aurait jamais cru devenir prêtre un jour, avoue celui qui termine pourtant sa première année d’études. Il était plongé dans la culture de la planche à roulette, une façon de s’intégrer aux jeunes de son âge et « d’impressionner la galerie » avec ses prouesses.
Plongé dans le skate
Pendant son baccalauréat en génie mécanique à l’École polytechnique, il passait encore ses temps libres pour se détendre au skatepark du parc du Père-Marquette.
« Habituellement, les skateurs ne sont pas très populaires sur les perrons d’église, car ils brisent le ciment », lance à la blague Réjean Thibodeau, qui étudie aussi au séminaire (voir autre texte ci-bas).
Le jeune ingénieur a d’abord renoué avec sa spiritualité après avoir visionné un documentaire sur des moines jaïns, en Inde. Par une froide journée de février, il a rencontré une dame âgée à qui il a donné un coup de main à monter les marches glacées d’une église.
Avant de prendre l’autobus vers son travail, cela est devenu son rituel quotidien de venir en aide à la femme qui se rendait à la messe.
« Un jour, elle m’a invité à une messe vietnamienne, je ne comprenais rien, mais j’ai entendu les chants [...] et rencontré le prêtre. Elle m’a aussi donné une bible et un petit cahier de prières. Grâce à cette rencontre, j’ai tout redécouvert l’héritage chrétien que j’estime très riche. C’est ce qui a semé la graine en moi de vouloir servir mon prochain et le Christ », raconte-t-il.
Pour aider les autres
Comme ingénieur en robotique, il ne se sentait pas assez utile à la société « sur le plan humain », explique le jeune qui porte une croix en bois autour du cou.
Ses proches ont bien accueilli sa nouvelle vocation.
« Certains étaient surpris, mais il n’y a pas eu de réaction dramatique », dit-il en jetant un coup d’œil à son cellulaire pour ne pas manquer la messe de 11 h 30.
Et même si la fréquentation des églises est en déclin, il n’est pas découragé par ce défi.
« Beaucoup de jeunes autour de moi sont aussi attirés [vers la religion] et se rendent compte de l’essentiel, donc ça ne m’inquiète pas particulièrement. Dans l’histoire, il y a eu plusieurs hauts et bas de l’Église, mais elle est demeurée à travers les siècles. »
Un vieux rêve enfin réalisé
Après avoir été habité toute sa vie par l’idée de devenir prêtre, un répartiteur dans une entreprise de transport pendant une trentaine d’années a finalement eu le courage de réaliser son rêve à 55 ans.
« J’avais toujours ça dans l’esprit. Même mon patron m’appelait le curé », raconte tout sourire Réjean Thibodeau, désormais âgé de 62 ans.
Présentement en stage dans une église du quartier Ahuntsic, il lui reste une année à son parcours de huit ans avant de décrocher enfin son diplôme, qui lui permettra d’être prêtre dans une paroisse montréalaise.
Un premier essai
M. Thibodeau avait déjà entamé des démarches pour devenir prêtre dans sa vingtaine.
« J’ai commencé à avoir un gros mal dans la jambe droite et je pensais que c’était lié au stress. J’ai vu ça comme un signe et j’ai reculé. Je me suis consacré à mon travail [comme répartiteur] », explique-t-il.
En travaillant de nuit, cela lui permettait d’aller à la messe deux fois par jour, soit très tôt le matin puis après avoir dormi en après-midi.
« [En 2015], je jasais avec une amie, elle m’a dit : “as-tu déjà pensé devenir prêtre ?”, sans même savoir que j’avais essayé. Ç’a allumé quelque chose en moi. Je ne pouvais pas faire autrement que de me lancer », confie-t-il.
Lorsqu’il a annoncé à sa sœur qu’il entamait des études au Grand séminaire, celle-ci n’a pas paru surprise.
« Elle m’a encouragé, dit-il. Quand je l’ai dit à mon patron, il a fait un pas en arrière, mais n’a pas tenté de m’en empêcher. »
Solitaire de nature, Réjean Thibodeau a toujours été célibataire, donc plus rien ne le retenait à réaliser son rêve.
Préjugés à déconstruire
Le sexagénaire est conscient des préjugés et scandales sexuels qui ont entaché la réputation de la religion.
« Ça en prend juste un pour tout gâcher et ça fait reculer l’Église chaque fois. Maintenant, c’est tolérance zéro. Si tu es dans le tort, tu ne resteras pas prêtre, c’est la porte. ».
Il souhaite aussi déconstruire l’idée que les prêtres vont s’immiscer dans la vie privée des gens. « C’est fini ce temps-là. »
Il est motivé par le désir d’organiser des messes joyeuses et agréables pour redonner envie aux gens d’aller à l’église.
Les défis qu’il entrevoit sont plutôt d’ordre personnel.
« Je dois faire attention à ma santé. À mon âge, on ne sait pas ce qui nous attend. Mais je ne pouvais pas finir ma vie sans répondre à l’appel du Seigneur ».