Ray-Mont Logistiques: un projet paralysé depuis cinq ans
Une plateforme logistique permettrait de réduire du tiers le trafic de camions lourds sur la rue Notre-Dame
Combien de temps une entreprise qui achète, de plein droit, un terrain industriel dans l’est de Montréal devrait-elle s’attendre à devoir patienter avant de pouvoir enfin y entreprendre ses activités ?
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Dans le cas de Ray-Mont Logistiques, une entreprise québécoise devenue un acteur important dans le transport du grain au Canada, le délai d’attente s’étire depuis déjà cinq ans. Et rien, à court terme, ne laisse présager que ses activités pourront commencer de sitôt.
« Écoutez, c’est depuis 2016 que ça dure, confie son président Charles Raymond. On a déjà consacré cinq ans de notre vie à ce projet-là. Des millions ont déjà été investis. Et depuis cinq ans, c’est une embûche après l’autre. Au rythme où vont les choses, je suis franchement incapable de vous dire quand elles se régleront. »
Passé industriel
Le terrain de 2,5 millions de pi2, une friche industrielle occupée pendant près d’un siècle par la Canadian Steel Foundries, a été acheté par Ray-Mont en 2016 pour y déménager ses activités de logistique.
Établie depuis 30 ans dans le sud-ouest de Montréal, non loin du quartier en développement du Bassin Wellington dans Pointe-Saint-Charles, l’entreprise cherchait à agrandir ses activités tout en se rapprochant du Port de Montréal, un partenaire de première importance.
L’entreprise se spécialise dans le transbordement de grains et céréales arrivant par rail, dans des conteneurs destinés au transport par navires en direction de l’Europe et de l’Asie, entre autres.
Situé sur Notre-Dame Est, en face du Port de Montréal et voisin des emprises ferroviaires du Canadien National, le vaste terrain – désigné par la Ville à devenir un pôle logistique – paraissait tout désigné.
Opposition féroce
Or, c’était sans compter l’opposition de citoyens de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve qui, depuis la démolition de l’ancienne fonderie en 2005, avaient commencé à s’approprier l’espace contaminé et espéré la création d’un parc municipal.
Manifestations à répétition, vandalisme, utilisation d’engins explosifs, menaces de mort, même... Le PDG ne souhaite pas s’étendre sur ces cas, dont certains font actuellement l’objet d’enquêtes policières. Mais il s’inquiète.
Il y a plusieurs semaines, explique-t-il, un groupe d’opposants a organisé une activité familiale de type cabane à sucre sur le site. Il y a deux semaines, après que le ministère de l’Environnement eut admis avoir interrompu à tort les activités de l’entreprise, une chaîne humaine fut organisée pour protester contre la décision de Québec de ne pas commander une enquête du BAPE sur le projet.
« Je comprends que les gens soient déçus qu’il n’y ait pas de parc. [...] Mais à force de jeter de l’huile sur le feu, d’organiser des événements sur place, de se prendre en photo devant les conteneurs, un accident va finir par arriver, s’inquiète Charles Raymond. Les gens ne le réalisent pas, mais c’est un chantier. Non seulement c’est irresponsable de s’y donner rendez-vous, mais c’est dangereux. »
Pas dans ma cour
Devant le refus de l’arrondissement de délivrer les permis, la Cour supérieure a confirmé, entre-temps, le droit de Ray-Mont de développer son projet sur ce site. En 2021, la Cour d’appel a débouté la Ville de nouveau, confirmant le jugement rendu par la Cour supérieure du Québec, trois ans plus tôt.
Pour Michel Leblanc, PDG de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, les difficultés qu’elle rencontre à déménager ses activités sont incompréhensibles. Elles le dépassent d’autant que, rappelle-t-il, son projet fait suite à un appel de la Ville de concevoir un pôle logistique sur ce terrain.
« C’est un parfait exemple du syndrome “pas dans ma cour”, juge-t-il. C’est comme si le voisinage venu vivre autour d’un aéroport comme celui de Dorval réclamait la fermeture de l’aéroport. »
Le port et les activités de logistiques qui l’entourent sont, dit-il, des infrastructures stratégiques essentielles avec lesquelles il faut apprendre à vivre. «Des exemples de cohabitation avec cette entreprise existent partout au Canada. Je ne vois pas pourquoi cela ne serait pas possible ici aussi?»
Chute des émissions de GES
Ray-Mont Logistiques est du même avis. Son PDG soutient avoir déjà accepté la mise en place d’une quinzaine de mesures de mitigation proposées par le voisinage et investi 20 M$ dans la réhabilitation des sols contaminés.
Il rappelle aussi que le projet permettrait réduire de près de 30 % le trafic total de camions lourds sur la rue Notre-Dame Est, pourtant une revendication de longue date des élus et résidents du secteur.
«On a toujours eu la volonté de faire un projet exemplaire, assure Charles Raymond. Nous voulons bien faire et continuons de tendre la main à la Ville et aux résidents du quartier pour y parvenir. Deux cents emplois seront créés, nos émissions de gaz à effet de serres (GES) à Montréal chuterait 82%... Si on s’y met, le site pourrait être en pleine opération d’ici septembre.»