Il faut garder le passé en vie
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Dans certaines tribus, quand un enfant devient un homme, on l’envoie dans le désert pendant 14 jours avec une lance et une gourde.
Moi, jeudi soir, j’ai amené mon fils de 14 ans voir Le Parrain sur grand écran au Cinéma Quartier Latin.
LA CÉRÉMONIE
Mon père avait fait ça avec moi. Et, 50 ans plus tard, c’est à mon tour de faire ça avec mon fils.
Pourquoi Le Parrain ?
Parce que tout ce que j’ai appris au fil des ans se retrouve dans le chef-d’œuvre de Coppola – qui est ma Bible, mon Coran, ma Torah. Et parce que c’est le plus beau film sur les relations père-fils et sur la transmission.
Ou plutôt, le manque de transmission.
À la fin du Parrain 2 (qu’on verra bientôt), Michael Corleone se retrouve seul, sans famille, sans amis, sans clan.
Alors que son père, à son âge, avait tout.
Que s’est-il passé ? Où s’est-il égaré ? Qu’a-t-il fait qu’il n’aurait pas dû faire ?
J’avoue que lorsque la lumière s’est éteinte et que les premières notes de Nino Rota se sont fait entendre dans la salle, j’avais les yeux humides.
Je me revoyais avec mon père, maintenant disparu.
Ce n’est pas La Soirée du hockey qu’on regardait ensemble, mon père et moi, mais des films.
The French Connection, Dog Day Afternoon, Marathon Man, Serpico. La grande époque du cinéma américain des années 70.
Suis-je un aussi bon papa que mon père ? me suis-je demandé en regardant Don Vito discuter avec Sonny, Fredo et Michael sur l’écran. Ai-je été un bon fils pour mes parents ?
Ce n’est pas facile d’être un parent, à notre époque, de connecter avec ses enfants, avec tous les écrans qui les hypnotisent.
Est-ce qu’on leur transmet les bonnes valeurs ?
UNE PARTIE DE MOI
Ce qui m’a touché, aussi, c’est que la salle était pleine.
Des gens de tous horizons se sont déplacés un jeudi soir pour voir un classique sur grand écran !
Eux aussi renouaient avec leur jeunesse. Eux aussi se questionnaient sur le temps qui passe trop vite, l’héritage qu’ils laisseront à leurs fils, à leurs filles.
À la fin, quand la porte se ferme sur Kay, la femme de Michael, la séparant pour toujours de son mari, comme le couvercle d’une tombe qui se referme sur un couple, les gens ont applaudi.
Heureux d’avoir vu un film adulte pour adultes.
Mon fils, qui fait partie de la génération Marvel, a trouvé bien sûr le film trop lent. Et à court de scènes d’action...
Mais il était content de l’avoir vu avec moi. Il comprenait qu’en l’emmenant voir Le Parrain, je ne faisais pas que l’inviter au cinéma.
Je lui transmettais quelque chose. Une partie de moi. De ce que je suis.
Que, par l’entremise de ce film, je lui disais des choses importantes sur la vie. Choses que je ne peux mettre en mots.
Moi, c’est Le Parrain que j’ai montré à mon fils. D’autres, ce sera des vieux matchs des Canadiens, avec Guy Lafleur.
L’important est de transmettre.
Tendre un pont.
Passer le flambeau.
Garder le passé en vie.