Malgré leurs différends, amitié et respect entre Jacques Lemaire et Guy Lafleur
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«J’ai vu que notre amitié n’était plus pareille. À l’époque où l’on jouait, on était toujours ensemble. On jouait sur le même trio et on était cochambreurs. Plus tard, on a pris des chemins différents.»
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De sa résidence de Floride, où il occupe à distance les fonctions de conseiller spécial pour les Islanders de New York, Jacques Lemaire le reconnaît: sa relation avec Guy Lafleur, celui qu’il a aidé à terroriser les gardiens pendant les années 1970, s’est effritée lorsqu’il s’est amené derrière le banc du Canadien en remplacement de Bob Berry, en février 1984.
Selon l’histoire, c’est son désir de conscientiser Lafleur à l’importance de l’aspect défensif de son jeu qui a poussé le Démon blond à une retraite prématurée, à l’âge de 33 ans, le 26 novembre 1984.
«Je dois avouer que ça a été des moments difficiles pour lui. Les gens qui suivaient le hockey ont vu la même chose», a déclaré Lemaire lors d’un entretien téléphonique avec Le Journal.
Difficile, c’est le moins que l’on puisse dire. Lafleur avait 28 buts au compteur lorsque son ancien compagnon de trio a dirigé son premier match, le 25 février 1984. Il n’en a inscrit que deux à ses 17 derniers duels, aucun lors des 12 parties éliminatoires qui ont suivi et seulement deux lors des 19 rencontres du début de la campagne 1984-1985.
«Je n’ai jamais rien eu contre Guy. J’étais là pour gagner des matchs et essayer d’améliorer les joueurs, a soutenu celui qui a gagné la coupe Stanley à la tête des Devils, en 1995. Je crois qu’on l’a fait. On s’est rendu en finale d’association. L’année d’après, plusieurs joueurs ont connu de bonnes saisons, comme [Guy] Carbonneau, [Mario] Tremblay et [Pierre] Mondou. C’est dommage que Guy ait joué seulement 19 matchs.»
Ébranlé par la nouvelle
On dit que le Démon blond en a voulu longtemps à son ancien compagnon d’armes. Et ce n’est pas clair, même en questionnant Jacques Lemaire, si les deux ont fini par faire la paix.
«Que l’opinion de Guy sur moi ait changé, je m’en balance. Qu’il ne m’aime pas, je m’en fous. La mienne n’a jamais changé, a-t-il soutenu, assurant qu’il serait présent aux funérailles du numéro 10 mardi prochain. Guy Lafleur est resté et va toujours rester le Guy Lafleur que j’ai côtoyé. J’ai toujours éprouvé de l’amitié pour lui et un grand respect pour ce qu’il a accompli.»
D’ailleurs, comme ce fut le cas pour tous ses coéquipiers, et les millions de partisans du Canadien, le départ de la fierté de Thurso a secoué son ancien joueur de centre.
«Ça faisait quelques années que je ne l’avais pas vu, mais Steve Shutt m’avait dit qu’il n’allait pas bien. Il m’a même dit qu’il ne se rendrait pas à l’été, a raconté l’homme de 76 ans. Malgré tout, quand Larry [Robinson] m’a annoncé la nouvelle de son décès, ça m’a ébranlé.»
Un as parmi les étoiles
Shutt, Lemaire et Lafleur ont possiblement composé l’unité la plus productive des années 1970. Leurs efforts ont grandement contribué aux quatre conquêtes consécutives de la coupe Stanley, de 1976 à 1979.
«On avait une maudite bonne équipe. Il y avait de bons joueurs là-dedans : [Ken] Dryden, [Serge] Savard, Larry [Robinson], Pointu [Guy Lapointe] et Yvan [Cournoyer], a énuméré Lemaire. Mais en plus de tous ces gars-là, on avait un as. Ce n’est pas pour rien qu’on a gagné autant de coupes Stanley.»
«Guy était dans une classe à part. Si on avait besoin d’un but, il était capable de le marquer. Quand on arrivait à la fin d’un match et qu’on tirait de l’arrière, il poussait encore plus pour aller chercher ce but et faire gagner l’équipe. Il a toujours été comme ça», a conclu Lemaire.
Le célèbre but du 10 mai 1979 contre les Bruins
Au cours de leur association, Guy Lafleur et Jacques Lemaire ont combiné leurs efforts pour 176 buts du Canadien. Le compteur affiche 214 si on ajoute les 38 filets de séries éliminatoires sur lesquels ils ont été complices.
Évidemment, le plus célèbre d’entre tous a été marqué le 10 mai 1979 : celui qui permettait au Tricolore de pousser en prolongation le septième match de la demi-finale qui l’opposait à Boston.
Près de 43 ans plus tard, tout le monde sait que le tir provenait du bâton de Lafleur. Mais certains ont oublié que cette frappe fut rendue possible grâce à une passe en retrait effectuée par Lemaire.
Patience et précision
Le numéro 25 a bien voulu faire revivre, à son point de vue, l’un des moments les plus marquants de l’histoire de l’organisation.
«Guy m’a d’abord passé la rondelle. À ce moment-là, tout ce que je voulais, c’était d’être capable d’entrer à l’intérieur de la zone des Bruins, a raconté Lemaire. Guy avait un tir très précis, mais je ne voulais pas lui remettre la rondelle tout de suite parce que ça donnait quand même au gardien plus de chances de l’arrêter. Je me suis dit que si j’étais capable d’avancer le plus loin possible, et qu’il pouvait lui-même avancer de 10 ou 15 pieds, il serait en meilleure position pour décocher son tir. Je voulais déposer la rondelle au bon endroit pour qu’il puisse tirer pratiquement sur réception. Et c’est en plein ce qui est arrivé.»