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Petite histoire d’une chemise typiquement cubaine

Petite histoire d’une chemise typiquement cubaine
AFP


Que rapporter dans sa valise comme souvenirs de Cuba? Aussitôt on pense au rhum, dans toutes ses variantes, aux réputés cigares Habana, dans toutes ses conjugaisons, au café cubain arabica et ses différentes marques, aux souvenirs traditionnels d’artisanat en papier mâché ou en céramique, au sombrero qui finira écrasé dans la valise ou au t-shirt à l’effigie du Che. Mais très peu pensent rapporter chez eux une guayabera, cette impressionnante chemise blanche à quatre poches — mais elle existe en d’autres couleurs aussi: rose, beige, jaune, bleu pâle, rouge, vert olive — que vous avez sûrement vue pendant votre séjour à Cuba.  

Elle est très souvent portée par le personnel gouvernemental lors des cérémonies officielles, y compris par le président de la République. Mais le personnel hôtelier l’utilise souvent: chemise en lin ou en coton pour les hommes et robe boutonnée sur le devant pour les femmes. Dans les deux cas, elles comportent quatre poches sur le devant.

On se perd sur l’origine de ce vêtement, au départ modeste. Certaines sources en attribuent la paternité aux Philippines, d’autres au Mexique, mais la légende la plus vraisemblable veut qu’elle soit née à Cuba, dans la ville de Sancti Spiritus, au début du XVIIIe siècle. Avec un tissu en lin importé d’Espagne — un tissu qui permet au corps de respirer lors des grandes chaleurs —, une épouse aurait confectionné cette chemise ample, qui se porte au-dessus du pantalon, avec quatre poches pour que son mari pût y ranger ses effets personnels pendant son travail.

Petit à petit, la guayabera s’est perfectionnée. Outre ses quatre poches, ses manches longues et ses vingt-sept boutons, on la reconnaît à ses deux lisières verticales ornées de petits plis sur le devant et ses trois lisières semblables dans le dos. Au départ uniquement blanche, elle s’est adaptée aux goûts du jour, avec des manches courtes et des couleurs pastel, et même noires.

Avec le temps, cette chemise a revêtu un caractère anticolonialiste, se voulant un pied de nez au traditionnel veston-chemise-cravate porté par les gens fortunés et surtout pas adapté au climat chaud des tropiques. On raconte qu’il fut un temps, dans les années 1940, où il était interdit de s’asseoir au parterre d’un ciné de quartier de la capitale cubaine si l'on était vêtu de la guayabera. La cause fut plaidée avec succès par un juge qui argumenta qu’il s’agissait d’un véritable costume national. Rien à voir avec notre ceinture fléchée, qui revêt plutôt des allures folkloriques. Du coup, cette chemise ample et typique retrouva ses lettres de noblesse, gagnant en popularité dans toutes classes sociales.

Un musée de la guayabera

J’en veux pour preuve ce Musée de la Guayabera, inauguré en 2012, dans la ville qui l’a vue naître, Sancti Spiritus, près de Trinidad, dont je vous parlerai un jour. Il loge dans un joli édifice restauré, la Quinta de Santa Elena. Vous y trouverez des guayaberas taillées sur mesure et portées par Fidel, Raúl Castro et sa compagne Vilma Espín, Hugo Chávez, deux prix Nobel de littérature, le Colombien Gabriel García Márquez et le Guatémaltèque Miguel Angel Asturias, le peintre équatorien Oswaldo Guayasamín, le chanteur Compay Segundo du Buena Vista Social Club et de nombreux autres dignitaires du monde de la politique, de la culture et des sports.

Ce musée comporte son propre atelier de confection. Vous pourrez y faire prendre vos mesures pour qu’on vous confectionne votre guayabera personnalisée. Avis à notre premier ministre Legault si jamais il visite cette ville qui a gardé son cachet colonial...

L’explosion de l’hôtel Saratoga à La Havane

Hier, 6 mai, une violente explosion a littéralement soufflé une partie de l’hôtel 5 étoiles Saratoga, situé en face du fameux Capitolio, dans la Vieille Havane. Si on a cru, un moment, qu’il s’agissait d’un attentat, les autorités ont confirmé qu’il s’agissait d’un lamentable accident survenu au moment où un camion-citerne chargé de gaz liquide effectuait le remplissage des bonbonnes de gaz de l’hôtel. Celui-ci, fermé depuis le début de la pandémie, s’apprêtait à rouvrir ses portes dans quelques jours; aucun touriste ne se trouvait donc à l’intérieur. Malheureusement, on déplore la mort de 32 personnes, dont une personne mineure et une citoyenne espagnole qui passait devant l’hôtel au moment de l’explosion. Son mari, également espagnol, est dans un état critique. On rapporte également quelque 70 blessés, dont plusieurs dans un état critique. Une vingtaine de personnes, parmi les employés de l’hôtel, manquent toujours à l’appel. Au moment où j’écris ces lignes, des spécialistes fouillent toujours les décombres à la recherche de possibles survivants.

Tout Cuba est en deuil. La société cubaine forme une grande famille tissée serrée. Des milliers de personnes, dont plusieurs équipes sportives, se sont dirigées spontanément vers les différents centres de la Croix-Rouge pour y donner leur sang.

Pour moi, cet hôtel revêt une autre signification. C’est là que je me suis marié en 2005, quelques mois après que l’hôtel eut rouvert ses portes, après de longues années de restauration. Le Saratoga revivra très certainement. Une pensée pour les victimes et les familles endeuillées.

#Fuerza Cuba!







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