SNC-Lavalin: pots-de-vin cachés pour le pont Jacques-Cartier
Des projets africains camouflaient l’argent versé par SNC pour décrocher un contrat au pont Jacques-Cartier
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Le géant de l’ingénierie et de la construction SNC-Lavalin a utilisé des projets en Afrique comme écran de fumée afin de payer des pots-de-vin de 2,3 M$ qui lui ont permis de décrocher un gros contrat de réfection du pont Jacques-Cartier, à Montréal.
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Un hangar d’entretien d’avion d’Air Algérie, un projet d’infrastructure en Libye ; tels ont été les subterfuges de la firme montréalaise pour fournir une « récompense » secrète à l’ex-PDG de la Société des ponts fédéraux Michel Fournier, au début des années 2000.
Le stratagème était sophistiqué. SNC-Lavalin devait trouver une façon pour que les paiements occultes n’attirent pas l’attention des vérificateurs dans ses livres comptables (voir le diagramme plus bas).
Elle a donc expédié à quatre reprises des centaines de milliers de dollars à la firme libanaise Promotag, qui offrait des services d’agents commerciaux pour obtenir des projets à l’étranger.
En réalité, Promotag n’était qu’un paravent. Elle prenait une commission d’environ 5 %, et le reste, soit 2,2 M$, aboutissait dans des comptes bancaires suisses aux surnoms originaux (« Zorro » et « St-Jean ») ouverts par Fournier et sa conjointe.
Amendes de 30 M$
La Cour supérieure a permis, hier, de révéler ces détails après que SNC-Lavalin soit devenue, mercredi, la première firme au Canada à bénéficier d’un accord de réparation en lien avec le versement de pots-de-vin.
L’accord entériné par le juge Éric Downs prévoit que la firme versera des pénalités de 30 M$ mais échappe à des condamnations au criminel qui l’auraient empêchée de pouvoir décrocher des contrats publics.
Pour « l’intérêt économique »
Cette semaine, la Couronne a fait valoir que cet accord était souhaitable par « intérêt économique ». SNC-Lavalin emploie en effet plus de 37 000 personnes dans l’ensemble de ses filiales.
La Couronne estime aussi que la firme a changé sa culture interne et ne tolère plus le versement de pots-de-vin.
Deux ex-employés de SNC-Lavalin sont accusés au criminel d’avoir orchestré la fraude, mais une ordonnance de non-publication nous empêche de révéler leurs noms, car leurs procès n’ont pas encore eu lieu.
Michel Fournier, quant à lui, avait écopé de 5 ans et demi de pénitencier en 2017 après avoir reconnu s’être fait graisser la patte. Il aura finalement passé moins d’un an derrière les barreaux.
Mari de l’ex-ministre
Les documents de cour consultés par notre Bureau d’enquête montrent qu’au moins un des paiements occultes a été autorisé par l’ex-président de SNC-Lavalin International Michael Novak, mari de la députée de Notre-Dame-de-Grâce et ex-ministre de la Justice Kathleen Weil.
Un autre des versements a obtenu l’aval de Gilles Laramée, ex-chef des affaires financières de SNC-Lavalin. Ni M. Laramée ni M. Novak n’ont fait l’objet d’accusations dans cette affaire.
UN STRATAGÈME SOPHISTIQUÉ
– Avec la collaboration de Michael Nguyen