La révolutionnaire du cornet
Une crèmerie de Rosemont remporte un succès phénoménal avec ses créations glacées à l’esthétique élaborée
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À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Des « crottes de licorne » débordant de barbe-à-papa, des « kits de science » mangeables pour enfants, des sundaes Arruda aux natas (tartelettes portugaises) ou ornés d’une « croix du mont Royal » en chocolat font partie des mets glacés originaux et éminemment photogéniques de la crèmerie Iconoglace.
Je me suis bien sûr abstenu de déjeuner et de dîner afin de me présenter l’estomac vide, fin prêt pour ma mission, au commerce rue Bélanger.
Un alléchant parfum de beurre émanait du gaufrier dont on tire les cornets.
« Ça prend trois heures de travail à une employée pour faire les 300 cornets dont on a besoin chaque jour », explique Anabelle Berkani, la proprio du petit commerce qui emploie 30 personnes, dont trois cuisiniers, sept jours sur sept.
Les files d’attente jusqu’au coin de la rue ont obligé la crèmerie à acheter une deuxième caisse enregistreuse et à augmenter le nombre d’employés derrière le comptoir.
« Même en avril lorsqu’il faisait désagréablement froid, il y avait constamment du monde ici. »
Réalisations ambitieuses
Mme Berkani a 27 ans d’expérience dans le milieu du cinéma, notamment comme assistante-réalisatrice, et ça paraît. Le nom Iconoglace comporte le préfixe ikonos, le mot grec qui signifie image. Et les desserts offerts ici ont tous été « produits et réalisés » par étapes.
« C’est long de développer un nouveau dessert à partir d’une idée de base parce que non seulement il faut que ce soit bon, mais je veux que ce soit beau. »
Mère de trois enfants, elle voulait se lancer en affaires dans le monde de la nourriture tout en disposant de mois tranquilles.
« C’est six mois de folie pendant la belle saison, puis l’hiver, je peux voyager, suivre des formations culinaires et développer mes nouvelles recettes pour le printemps suivant », dit-elle.
Jeux de mots
Les crèmeries ont la réputation de souvent choisir pour noms de mauvais jeux de mots, et Mme Berkani me dit qu’elle tient à honorer cette tradition.
« Ma crème glacée lattée au café s’appelle la Wake up call et sa version végane, la Woke up call », rigole-t-elle.
Lorsque je descends dans la cuisine où s’active la jeune cheffe pâtissière d’Iconoglace, Alexane Labonté, j’assiste à la confection de la crème glacée végétalienne (à base de lait d’avoine) qui fait la réputation de l’endroit.
Pour la crème glacée avec lait, Iconoglace utilise de la Coaticook.
Des créations émouvantes
« Après plusieurs semaines à élaborer étape par étape un nouveau dessert, après plein d’essais et erreurs, lorsque c’est finalement réussi et que l’on voit le résultat final, c’est émouvant, je verse une larme ! »
La dernière création « iconoglacienne » de Mmes Berkani et Labonté, un sundae avec des baklavas au sirop d’érable appelé le Phyllo-sophe, a battu tous les records de ventes lors de son lancement ce printemps.
Pour ma part, après avoir dégusté une quantité d’aliments succulents en cuisine, j’ai opté, pour des raisons symboliques, pour le sundae Mont-Royal, qui comporte une croix de chocolat sur une « montagne » de crème glacée.
Biscuit, chocolat, caramel... Je me régale en gémissant de satisfaction professionnelle. Si vous venez ici un soir, souvenez-vous de ne pas souper trop copieusement afin de vous garder de la place.