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Le message le plus important de la coroner Kamel

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«L’histoire retiendra malheureusement qu’au Québec, ce sont les aînés hébergés qui ont payé le plus lourd tribut lors de la première vague de la COVID.» Ces paroles, vraies, sont celles de la coroner Géhane Kamel.

Elle présentait hier son rapport sur la première vague meurtrière au Québec. Son enquête portait sur sept «milieux de vie», dont le CHSLD privé Herron, mais ses constats et ses recommandations valent pour la tragédie tout entière.

En cela, son rapport est à la fois le plus humain et le plus politique. Me Kamel s’est tout d’abord assurée de replacer les milliers de Québécois morts de la COVID-19 dans des conditions abominables au cœur même d’un immense drame qui, dans une société dite civilisée, n’aurait jamais dû se produire.

Elle a reconnu ensuite le dévouement des employés en pleine tempête. Elle a salué la résilience des familles coupées cruellement de leurs êtres chers. Leur espoir étant, a-t-elle dit avec émotion, que les leurs ne soient jamais oubliés. 

La responsabilité, a-t-elle dit clairement, est partagée entre le gouvernement, le ministère de la Santé (MSSS), les CIUSSS et les propriétaires de Herron. 

Le but du rapport est d’éviter une autre hécatombe. Mais avant tout, de donner aux plus vulnérables d’entre nous des milieux de vie et de soins où il serait enfin possible de vivre dans le respect et la dignité. 

Négligence

Car derrière l’échec de la gestion de la première vague dans les CHSLD, à tous les niveaux décisionnels, se cachaient aussi des décennies de négligence. 

Sans compter, durant la première vague, notait-elle, la «banalisation» ahurissante de la mort, dans la souffrance et la solitude, de milliers d’hommes et de femmes. Déshumanisés jusqu’à être réduits jour après jour à de simples statistiques sans visages, sans histoires et sans noms. 

De fait, combien de fois, pendant la première vague, nous a-t-on dit qu’à l’«exception» des CHSLD, ça se passait bien dans le «reste de la société»? 

Or, pour reprendre l’observation de la coroner, pendant que les CIUSSS, le MSSS et les propriétaires de Herron se renvoyaient la balle par courriels, des résidents, eux, mouraient dans des conditions atroces. 

Voilà qui résume l’incompétence des CIUSSS, dont plusieurs PDG ont failli à leur devoir déontologique, éthique et moral de protection. Me Kamel a aussi rappelé la déconnexion hallucinante entre ces PDG, le mastodonte du MSSS et ce qu’on appelle timidement « le terrain », soit les usagers et le personnel sur place. Le vrai monde, quoi.

Politiques conséquentes

Le fait est que, pendant des décennies, les «milieux de vie» — CHSLD privés ou publics, ressources intermédiaires pour personnes handicapées, etc. — ont croupi dans l’angle mort du MSSS et du Conseil du trésor.

Se tournant vers l’avenir — et toujours habitée par ses défunts, comme la coroner Kamel le dit avec grand respect —, elle dit espérer que les décideurs en auront appris l’importance de retrouver leur propre humanité.

Seules des politiques publiques et des ressources conséquentes sauront toutefois le dire. Du vrai soutien à domicile. L’application du Plan d’action pour l’hébergement de longue durée de la ministre Marguerite Blais. Des PDG réellement imputables et des CIUSSS décentralisés. Etc.

Mais rien ne se fera si les citoyens eux-mêmes ne se montrent pas beaucoup plus exigeants au nom de tous ceux et celles qui — et notre temps viendra aussi — perdent leur précieuse autonomie ou ne l’ont jamais eue. 

Dans le fond, le véritable message de Géhane Kamel n’est-il pas celui-là?

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