Essor des séries de «true crime»: rendre justice aux victimes et à leurs proches
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Les séries de true crime jouissent d’une popularité grandissante. On en produit d’ailleurs de plus en plus. Des séries sur des enquêtes fouillées qui remontent les faits, d’autres plus sensationnalistes, des approches journalistiques, d’autres qui font dans le spectacle. Les histoires criminelles fascinent. On vit dans l’espoir de comprendre, de trouver des failles.
Je discute du phénomène avec deux femmes qui sont tombées dans le genre de façon bien différente. Leurs séries ont toutefois en commun de vouloir rendre justice à des victimes dont la disparition résonne encore.
Victoria Charlton était au cégep lorsqu’elle a développé une passion pour le true crime.
« Ce qui m’a allumée, c’est l’histoire du meurtre d’Elisa Lam, raconte celle qui nous propose la série Évaporés : Victoria Charlton enquête. Il y a eu une série sur Netflix, Crime Scene : The Vanishing at the Cecil Hotel. Je suis devenue obsédée par cette histoire. J’écrivais sur des forums. Je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien en français. Alors je me suis mise à en parler sur ma chaîne YouTube. Mes vues ont augmenté de façon significative. Depuis, c’est un travail de longue haleine. Ça fait 7 ans que je fais ça, et je peux dire que j’ai trouvé ma branche. »
Soif de savoir
Victoria est devenue une véritable référence dans le genre. Avec près de 700 000 abonnés sur sa chaîne, elle a pris de l’assurance. Des familles la contactent régulièrement afin qu’elle mette leur histoire en valeur.
« Je ne fais pas d’enquête, je n’appellerai pas les policiers, je raconte les histoires et donne une voix aux victimes. »
Depuis quelques semaines, on peut la suivre sur la plateforme Vrai alors qu’elle pose son regard sur trois disparitions relativement récentes qui n’ont jamais été résolues, celles de Francis Albert-Cloutier, Philippe Lajoie et Mélissa Blais.
« Beaucoup d’émissions s’attardent maintenant à des cas de disparition. Tout est dans la manière de raconter les histoires. Ce ne sont peut-être pas les histoires les plus connues, mais ce sont des cas qui restent mystérieux. Dans la série, chacune est construite comme une vraie enquête. » Victoria va à la rencontre de témoins, multiplie les appels, analyse le terrain.
« Le true crime a toujours existé, mais c’est devenu beaucoup plus accessible. Plus tu en consommes, plus tu aimes ça. Il y a une soif de sensations fortes. La peur crée un rush d’adrénaline. »
Informée de toutes ces histoires douloureuses, Victoria arrive à faire la part des choses et à ne pas être hantée par les histoires qui accablent les familles qui la contactent. Elle avoue toutefois être particulièrement touchée par les cas qui se passent au Québec.
Parallèlement à la série qui l’a occu-pée ces derniers mois, elle poursuit l’écriture d’un nouveau livre qui parlera notamment d’une vingtaine de femmes assassinées dans les années 1980, preuve que les féminicides ont malheureusement toujours existé.
Elle agit aussi comme bénévole auprès d’un organisme qui recense les disparus. Mettre en lumière ces tristes histoires est non seulement son boulot, mais en quelque sorte sa mission.
Ne jamais glorifier le crime
Nathalie Bibeau n’était pas une fan du genre. Celle qui a eu une carrière comme journaliste à la CBC redoutait les éléments sensationnalistes et toute forme de voyeurisme. Ce sont davantage les histoires humaines qui l’inspirent. The Unsolved Murder of Beverly Lynn Smith est sa première incursion dans le true crime et le résultat hyper cinématographique est impressionnant.
« C’est la première fois qu’une histoire canadienne était produite pour Amazon Prime, explique la cinéaste. Je voulais mettre en valeur les émotions et l’impact, et non glorifier le crime. La famille était d’accord avec cette approche. »
Elle a eu les moyens de peaufiner une signature visuelle.
« Ce n’est pas tous les jours que l’on voit un accusé ou une victime dans son intimité. La démarche et les gestes de quelqu’un en révèlent beaucoup sur sa personne. Il y a des informations qui ne se partagent pas avec des mots. J’ai pu travailler les métaphores. »
Elle a aussi choisi de suivre le travail de journalistes qui ont couvert la disparition de la jeune Ontarienne abattue chez elle, plutôt que celui des policiers.
« Ça m’a permis de pouvoir critiquer le travail des policiers de façon objective, de me rapporter aux faits et en quelque sorte d’honorer le métier. »
Il faut dire que le suspect, Alan Smith, a été piégé par des techniques d’investigation peu orthodoxes.
Standards d’éthiques élevés
À quoi attribue-t-elle le succès phénoménal du genre dans lequel elle s’est plongée ?
« On y dévoile les extrêmes de l’être humain dans toute sa complexité. Comme téléspectateurs, on a accès à un monde dans lequel on ne peut pas rentrer. »
Nathalie Bibeau reconnaît avoir une très grande responsa-bilité envers la famille.
« Nos standards d’éthique ont été très élevés. Après avoir vu la série, une des sœurs de Beverly m’a dit : maintenant on ne parlera plus de comment elle est morte, mais plutôt de comment elle a vécu. Ça ne change pas la fin, mais c’est une façon pour elle de commencer à faire son deuil. C’est le plus beau compliment qu’on aurait pu me faire. Cette série a réussi à la garder vivante en quelque sorte. »
Séries true crime qui sont devenues des « classiques »
Making a Murderer – Netflix
Don’t F**k with Cats – Netflix
Tiger King – Netflix
The Keepers – Netflix
The Staircase – Crave
The Jinx – Crave
Des productions québécoises
La traque – ICI tou.tv extra
L’Ordre du temple solaire – Vrai
Meurtriers sur mesure – Vrai
Présumé innocent : L’affaire France Alain – Crave
Sur les traces d’un tueur en série – Crave
Qui a tué Marie-Josée – Crave
Nouveautés dans le genre true crime
The Tinder Swindler – Netflix
Our Father – Netflix
Bad Vegan: Fame, Fraud, Fugitives – Netflix
The Puppet Master : Hunting the Ultimate Conman – Netflix