Pas de baigneurs à la plage de l’Est avant longtemps
La protection du chevalier cuivré entrave la décontamination du site
Un an après son inauguration en grande pompe, la plage de l’Est pourrait ne jamais accueillir de baigneurs, alors qu’on vient de découvrir que ses eaux pourraient être essentielles à un poisson menacé.
« Je comprends la frustration des citoyens, mais ils ne pourront pas se baigner avant trois ans », a déclaré au Journal Caroline Bourgeois, mairesse de l’arrondissement de Pointe-aux-Trembles.
En raison d’études à venir sur l’habitat du chevalier cuivré, un poisson menacé d’extinction qui vit au Québec, la plage demeurera interdite à la baignade cet été. Mme Bourgeois parle d’une ouverture en 2025, mais si le fédéral confirme que l’endroit est prisé par le fameux poisson, la baignade y sera définitivement interdite.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a inauguré la plage le 21 juin 2021 comme un élément majeur de la Trame verte et bleue pour redonner l’accès aux berges. Mme Plante était impatiente de permettre aux résidents et visiteurs d’avoir « un accès complet au fleuve et de s’y baigner ».
Le coût total du projet, de la conception à la réalisation, s’élève à 10,4 M$, auxquels il faudra ajouter une enveloppe de 5 M$ pour la décontamination.
Quai problématique
C’est la construction d’un quai sur la plage qui a bloqué le projet. Le permis n’a pas été accordé par Pêches et Océans Canada en raison des risques posés à l’écosystème du chevalier cuivré.
Sans compter que cet ancien emplacement d’une marina est dans un site lourdement contaminé, notamment par des résidus de peinture.
L’administration municipale a obtenu du ministère québécois de l’Environnement un budget destiné à déterminer la technique de décontamination. Mais aucune entreprise n’a répondu à l’appel d’offres lancé l’an dernier. Alors qu’on s’apprêtait à relancer le processus, le fédéral a stoppé cette démarche en raison de la Loi sur la protection des espèces en péril.
« Un scandale »
Ce nouveau report est « un scandale » aux yeux d’Alain Saladzius, président de la Fondation Rivières. L’organisme multiplie les initiatives comme le Grand Splash visant à amener les Montréalais à se lancer à l’eau. Le Vieux-Port de Montréal offre un des endroits les plus appropriés de l’île pour la baignade, fait-il valoir.
« Pourquoi s’être installé là où on savait dès le départ qu’il faudrait décontaminer à grands frais ? »
Le choix de cet emplacement était-il une mauvaise idée au départ ? La mairesse Bourgeois le réfute et insiste sur le fait que la plage permet gratuitement une foule d’activités estivales, des jeux d’eau au volleyball de plage. Même sans baignade, le site attire « des centaines de personnes chaque fin de semaine ».
UN CHEVALIER BIEN PROTÉGÉ
Inscrit en 2007 au registre canadien des espèces en péril, le chevalier cuivré (Moxostoma hubbsi) est en voie de disparition. Il n’existe qu’au Québec.
Selon le programme de rétablissement de l’espèce, l’habitat « essentiel » des adultes se trouve dans le fleuve Saint-Laurent, entre Montréal et Sorel, incluant la rivière des Prairies et la Rivière-des-Mille-Îles.
C’est dans les plantes aquatiques riches en gastéropodes qu’il s’alimente, là où l’eau n’est pas très profonde (moins de 4 mètres).
Le programme précise que les activités comme « le dragage et le dépôt de sédiments détruisent le lit des cours d’eau, notamment en faisant disparaître les herbiers aquatiques ».
La loi fédérale sur la protection des espèces en péril interdit toute activité visant à nuire à l’espèce.
Source : Programme de rétablissement du chevalier cuivré au Canada 2012 : Habitat essentiel