M'sieur, j'peux pas couler mon année
Dernière semaine de cours pour les petits du primaire. Derniers examens pour les grands du secondaire. Nous tirons enfin la plogue sur cette longue année scolaire, la première depuis deux ans qui se rapproche d’une certaine normalité.
Je suis comme un élève. Toujours heureux et fébrile lors de la rentrée, toujours fatigué et content de partir à la fin de l’année.
Quelques constats
Après 180 jours de classe – dont seulement sept à distance dans mon cas –, il est maintenant possible de faire quelques constats quant à l’effet de la COVID-19:
– L’écart entre les plus forts et les plus faibles s’est creusé
Pour vous donner un exemple, pour un même examen en mathématiques de troisième secondaire, les moyennes des groupes d’élèves d’un programme sélectif comme le PÉI avaient traditionnellement environ 20% d’écart avec celles du régulier. Cette année, l’écart a parfois atteint 40%. Du jamais-vu. Apprendre n’est pas une course de 100 m, mais un marathon. Il faudra tout mettre en œuvre afin d’aider les plus vulnérables à se rendre à la ligne d’arrivée.
– L’augmentation fulgurante de la pensée magique
Depuis deux ans, les jeunes ont reçu un laissez-passer gratuit vers le niveau supérieur. Ils sont maintenant convaincus qu’il est impossible d’échouer. Et si ça devait arriver (un peu comme la fin du monde), un simple cours d’été de 10 jours viendra sauver la mise. Pourquoi faire des efforts?
– L’augmentation de la cyberdépendance
Le phénomène est d’une tristesse infinie. À ce propos, je vous invite à lire ma chronique du 6 juin dernier et un texte de l’Université Harvard. Ajoutez à cela un plus grand nombre de jeunes qui occupent un emploi à temps partiel et vous aurez l’équation parfaite qui mène à l’échec: hausse du temps devant un écran récréatif + hausse du temps au travail = moins de temps pour l’école.
Une socialisation ardue
Il y a une autre constatation qui fait pratiquement l’unanimité: la gestion plus difficile des comportements.
Je lisais hier que «les tout-petits cette année sont plus “pop-corn”, c’est-à-dire qu’ils ont tendance à éclater en crise sans préavis». C’est également l’opinion de Marie-Eve Thibault, enseignante au primaire: «Nous avons beaucoup de gestion au niveau des interactions sociales, de la maturité affective et de l’égocentrisme. Les apprentissages ont été difficiles à être intégrés! Il a fallu s’occuper de certaines compétences de vie de groupe avant de pouvoir toucher aux apprentissages. En fin d’année, ce n’est toujours pas réglé... pour la cohorte au complet.»
Au secondaire, même scénario. J’ai lu, vu et entendu des choses que je ne croyais pas possibles dans une école.
Le dénominateur commun de plusieurs de ces élèves? Ils ont des parents qui minimisent leurs gestes ou encore qui leur donnent toujours raison.
Ça use.
Sachant que la gestion de classe est l’élément qui a le plus d’incidence sur le risque de décrochage des enseignants, on n’est pas sortis du bois.